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Spécialiste de l’islam en France, Franck Frégosi est directeur de recherche au CNRS et enseigne à l’institut d’études politiques d’Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Il a récemment publié Gouverner l’islam en France (Seuil, 384 pages, 23 euros), un ouvrage dans lequel il se penche sur la politique d’encadrement et de contrôle menée par l’Etat français vis-à-vis de la religion musulmane. Dans un entretien au Monde, il revient sur cette gouvernance de l’islam ainsi que sur le récent rapport intitulé « Frères musulmans et islamisme politique en France », pour lequel il a été auditionné.

Quelle analyse faites-vous du rapport « Frères musulmans et islamisme politique en France », rendu public le 21 mai ?

J’ai d’abord été dérangé par l’instrumentalisation politique qui en a été faite puisqu’il n’est pas anodin que des extraits du rapport aient été publiés au lendemain de l’élection de Bruno Retailleau à la tête du parti Les Républicains. Ensuite, le traitement de ce rapport par certains médias m’a atterré : on a parlé d’« hydre tentaculaire », de « gangrène »… Ce sont des mots qui proviennent d’un imaginaire politique bien identifié : celui de l’extrême droite et sa théorie du « complot judéo-maçonnique ».

Finalement, après l’avoir lu, je me suis simplement dit : « Tout ça pour ça… » De fait, ce rapport se montre beaucoup moins catastrophiste que ce qu’on lui a fait dire, et même s’il est truffé d’amalgames grossiers, il ne nous apprend rien sur les Frères musulmans. Ce mouvement – dont émanait l’Union des organisations islamiques de France à laquelle a succédé la fédération Musulmans de France en 2017 – est déclinant. S’il organisait de grands congrès au Bourget durant les années 1990-2000, son colloque annuel réunit désormais une centaine de personnes tout au plus.

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Je me demande, dès lors, pourquoi s’être focalisé sur les Frères musulmans. Il aurait été pertinent de s’intéresser en parallèle aux salafistes qui, eux, sont dynamiques et diffusent efficacement leur lecture de l’islam sur les réseaux sociaux, notamment auprès de la jeunesse. La géopolitique a probablement guidé ce choix. Le salafisme est un copié-collé de l’islam wahhabite des pays du Golfe. Or, les pouvoirs publics ne souhaitent sans doute pas se fâcher avec l’Arabie saoudite ou les Emirats arabes unis. S’attaquer aux Frères musulmans permet, à l’inverse, de ne contrarier personne…

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