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Ce devait être la grande réforme de société du second quinquennat d’Emmanuel Macron sur un sujet – la fin de vie – parmi les plus douloureux et les plus complexes qui soient, mais soutenue par une large partie de l’opinion. Pourtant, presque deux ans après qu’une convention citoyenne s’est prononcée, à une majorité de 75 %, en faveur d’une « aide active à mourir », le texte législatif promis par le président de la République qui devait en résulter paraît encalminé. Un projet de loi dans ce sens a certes fait l’objet d’un débat parlementaire remarquablement digne qui devait s’achever, le 18 juin, par un vote solennel.

Le texte autorise le suicide assisté ou l’euthanasie pour les malades majeurs en fin de vie qui le demanderaient, dans certaines conditions et sous réserve d’une autorisation médicale.
La dissolution de l’Assemblée nationale a rendu caducs les articles déjà votés et obligé les députés à repartir de zéro. Une proposition de loi reprenant les mêmes dispositions, déposée l’été 2024 par Olivier Falorni, apparenté MoDem, a été signée par 235 députés. Mais la censure du gouvernement Barnier, début décembre, a interrompu le processus.

Le large soutien dont bénéficiait le texte n’a pas empêché François Bayrou de compromettre son adoption. Mardi 21 janvier, le premier ministre a dit souhaiter que le texte soit scindé en deux afin de distinguer les dispositions sur les soins palliatifs. Venant d’un responsable politique qui a déclaré, en mai 2023, « ne faisons pas un service public pour donner la mort », une telle volonté de découpage, conforme au souhait des opposants au projet initial, nourrit le soupçon d’une manœuvre destinée à reporter aux calendes, voire à compromettre, l’instauration d’un droit à l’aide active à mourir.

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Un tel droit, tout en posant de graves questions éthiques et sociales, traduit une revendication d’une large partie de la population – la liberté de choisir sa mort – et paraît seul en mesure d’assurer une fin de vie digne dans certaines situations désespérées. « Le respect du droit à la vie ne vaut pas devoir de vivre une vie jugée insupportable par celui ou celle qui la traverse », a estimé le Comité consultatif national d’éthique.

Besoin impérieux de financements

Quelles que soient les motivations du premier ministre – personnelles ou politiques, liées à l’opposition d’une partie de sa majorité –, il y a une certaine hypocrisie de sa part à prôner un texte spécifique sur les soins palliatifs, domaine crucial qui a un besoin impérieux de financements nouveaux, mais pas d’une loi. Le risque est qu’une fois ce texte symbolique adopté la question de l’aide à mourir soit marginalisée. D’autant que le calendrier parlementaire pourrait rendre incertaine l’adoption d’un second texte d’ici à la fin du quinquennat.

A l’heure où doivent s’affirmer les prérogatives du Parlement dans un contexte d’instabilité gouvernementale et alors que les sujets réunissant a priori une majorité de députés ne sont guère nombreux, il serait incompréhensible qu’une avancée sociétale aussi décisive se trouve remise en cause.

Deux principes tous deux défendables s’affrontent : la liberté fondamentale de disposer de sa mort et l’assistance que la société doit à chaque individu. La recherche d’un équilibre doit permettre de lever les barrières qui entravent aujourd’hui l’exercice de la première, tout en prévenant toute dérive eugéniste. Seule la poursuite sans délai d’un débat parlementaire nourri peut y parvenir.

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Le Monde

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