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L’Assemblée nationale a voté en première lecture, mardi 27 mai, en faveur du « droit à l’aide à mourir », permettant à cette réforme en gestation depuis plusieurs années de franchir une étape décisive. La proposition de loi a reçu le soutien de 305 députés contre 199. Les élus ont aussi approuvé un texte sur les soins palliatifs, cette fois-ci à l’unanimité.

« Dans le respect des sensibilités, des doutes et espoirs, le chemin de fraternité que je souhaitais s’ouvre peu à peu. Avec dignité et humanité », a réagi, sur la plateforme X, Emmanuel Macron, saluant « une étape importante ».

La proposition de loi du député du groupe MoDem, Olivier Falorni, engagé depuis des décennies pour cette cause, crée un « droit à l’aide à mourir » consistant à « autoriser et à accompagner » un malade qui le souhaite à s’administrer une substance létale, ou à se la faire administrer s’il n’est « pas en mesure physiquement d’y procéder ». Elle légalise donc le suicide assisté, et de manière exceptionnelle l’euthanasie, sans pour autant que ces mots jugés connotés négativement ne figurent dans le texte.

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Jonathan Denis, président de l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), a salué « l’espoir d’une fin de vie maîtrisée, épargnée des souffrances inapaisables et des agonies inutiles ».

Cinq critères cumulatifs

Pour qu’un patient soit éligible au droit à mourir, la proposition de loi définit cinq critères cumulatifs, dont le fait d’être atteint « d’une affection grave et incurable » qui « engage le pronostic vital, en phase avancée » ou « terminale », et présentant « une souffrance physique ou psychologique constante ».

Même si chaque groupe a laissé la liberté de vote à ses membres, sur un sujet qui touche aux convictions intimes et au vécu de chacun, l’Hémicycle s’est globalement partagé entre, d’un côté, la gauche et le « bloc central », majoritairement favorables au texte, et, de l’autre, la droite et l’extrême droite, hostiles.

Le premier ministre, François Bayrou, historiquement réticent à l’aide à mourir, avait fait part mardi matin de ses « interrogations » sur le texte et déclaré que s’il était député, il « s’abstiendrai[t] ». Mais il a aussi dit sa « confiance dans la démarche parlementaire pour que toutes les interrogations soient levées », alors que la navette entre les deux chambres est loin d’être achevée.

Au cours de leurs explications de vote, les députés ont souligné la gravité du moment, et salué la qualité des deux semaines de débats. L’émotion a parfois pris le dessus, comme dans les propos de la députée écologiste, Sandrine Rousseau, qui avait de nouveau témoigné samedi du suicide en 2013 de sa mère, atteinte d’un cancer en phase terminale.

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« Rarement dans l’histoire récente de cette assemblée, un sujet aussi grave n’aura été débattu avec autant de respect et d’écoute », a affirmé la députée Horizons et ancienne ministre de la santé, Agnès Firmin-Le Bodo, qui a été convaincue de voter pour le texte grâce aux modifications apportées en séance.

« Un texte profondément équilibré »

Un amendement du gouvernement a refait de l’auto-administration du produit létal la règle, et de l’administration par un médecin ou un infirmier l’exception. Le gouvernement a aussi obtenu d’amender un des critères d’éligibilité, précisant que la phase « avancée » d’une maladie se caractérise par « l’entrée dans un processus irréversible marqué par l’aggravation de l’état de santé de la personne malade qui affecte sa qualité de vie ».

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Les députés ont approuvé un amendement du président de la commission des affaires sociales, Frédéric Valletoux (Horizons), renforçant la collégialité de la procédure, et un autre du gouvernement rétablissant un délai minimum de deux jours pour que le malade confirme sa décision. Tout médecin ou infirmier pourra faire valoir une « clause de conscience » lui permettant de refuser de pratiquer l’aide à mourir.

« C’est un texte qui est profondément équilibré » avec des « critères strictement définis », a défendu, devant la presse mardi, Olivier Falorni. Cette réforme serait la plus importante dans le champ sociétal depuis l’instauration du mariage pour tous en 2012, si elle aboutissait.

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Au Sénat à l’automne

La droite continue à y être farouchement opposée. Cette loi concernera des « personnes avec plusieurs années à vivre, dont la souffrance viendra de la maladie, mais également du sentiment d’être un trop lourd fardeau », a fustigé le député Philippe Juvin (Les Républicains), récusant que les critères soient « stricts » ou que la procédure soit réellement collégiale.

Fers de lance du combat contre la proposition de loi, les soignants de la société française d’accompagnement et de soins palliatifs (SFAP) ont déploré un « changement fondamental de la mission des soignants ». « Ce texte sur l’aide à mourir ne répond pas à des situations d’exception mais instaure une nouvelle norme du mourir », a déclaré sa présidente, Claire Fourcade. « Il s’inscrit dans un contexte actuel où l’offre de soins est terriblement déficiente, ce qui ne permet pas le libre choix », a-t-elle ajouté.

Le texte pourra connaître encore de nombreux ajustements. Il devra avant d’être adopté poursuivre son parcours législatif au Sénat, peut-être dès cet automne, et revenir à l’Assemblée pour une deuxième voire une troisième lecture.

La suite d’un parcours tortueux, commencé en 2022 : après avoir confié une réflexion sur le sujet à une convention citoyenne, Emmanuel Macron avait dévoilé en mars 2024 les grandes lignes d’un projet de loi. Mais l’examen de celui-ci n’avait pu aller à son terme, interrompu par la dissolution de l’Assemblée nationale.

« Je souhaite que le texte [sur l’aide à mourir] soit voté d’ici à 2027, c’est encore possible », avait affirmé, ce week-end, la ministre de la santé, Catherine Vautrin.

Le Monde avec AFP

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