Combien un maroquinier est-il rémunéré ? Une couturière ? A cette question, aucune marque de luxe ne répond avec précision. Ni Chanel. Ni Longchamp. Hermès évoque « un salaire d’entrée largement au-dessus du smic ». LVMH avance qu’un artisan du cuir touche « une rémunération de 30 % supérieure au salaire moyen d’un maroquinier en France ». Sans plus de détails. Mais chacun fait valoir combien ces revenus sont majorés par le versement de primes, d’intéressements et de participations.
« Chez LVMH, un artisan salarié peut [ainsi] toucher jusqu’à l’équivalent de six mois de salaire en plus », assure Alexandre Boquel, directeur des métiers d’excellence. La rémunération des salariés Hermès peut « atteindre jusqu’à l’équivalent de dix-sept mois de salaire », en cumulant treizième mois, participation, intéressement et prime exceptionnelle (4 000 euros en 2023 et en 2024, après 3 000 euros en 2022), précise la marque, qui dit n’éprouver aucune difficulté à recruter.
Les sous-traitants sont, eux, plus nuancés. Car, à l’évidence, ces derniers peinent à embaucher. « Le salaire, c’est fondamental, évidemment. On ne peut pas juste pleurer que personne ne veut venir travailler chez nous ! », reconnaît Amedi Nacer, PDG de Thierry-Fonlupt, PME de prêt-à-porter de luxe. Or, les salaires des ouvriers œuvrant chez les partenaires de Chanel, d’Hermès et autres Louis Vuitton sont inférieurs à ceux, précisément, pratiqués dans les usines que ces marques détiennent.
Et ces salariés sont une main-d’œuvre-clé. « La sous-traitance, c’est la moitié des 40 000 employés de la maroquinerie », selon la CGT. « Le salaire moyen d’un maroquinier est alors de 100 euros environ au-dessus du smic [1 801 euros brut] », rapporte un responsable du syndicat, en requérant l’anonymat par « crainte de mesures de rétorsion ». Et il est courant qu’après « treize ans d’expérience une opératrice touche 1 520 euros net », selon une employée d’un fabricant de sacs, toujours sous le couvert d’anonymat.
« Obligés d’être compétitifs »
Dans la confection, en sous-traitance, le premier bulletin de paie est aussi « de l’ordre du smic », d’après Sylvie Chailloux, dirigeante de Textile du Maine. Mais après « cinq ans d’expérience », une opératrice peut devenir « prototypiste pour un salaire de 2 000 à 2 500 euros », dit-elle.
Dans cette industrie ultra-rentable, la disproportion entre les prix stratosphériques des biens vendus et les salaires au smic heurte. D’autant que la plupart de ces ouvriers disposent d’un savoir-faire hors du commun. « Non, ce n’est pas normal, reconnaît M. Nacer. Avec quinze ans d’expérience, une couturière devrait être rémunérée à la hauteur de ce qu’elle mérite, c’est-à-dire plus de 2 200 euros net, contre 1 950 euros actuellement. »
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