C’est en temps de crise, quand l’individualisme devient un luxe insoutenable, que le cinéma redécouvre les vertus du collectif. Ainsi est-ce en bande, plus précisément à trois, que de jeunes documentaristes ukrainiens ont réalisé Militantropos, présenté à la Quinzaine des cinéastes, à Cannes, chronique saisissante du pays sous le coup de l’invasion russe telle qu’on ne l’avait encore jamais vue à l’écran. Yelizaveta Smith, Alina Gorlova et Simon Mozgovyi, arrivés sur la Croisette comme dans une réalité alternative, sacrifient le moins possible à l’ambiance paillettes, pour rester concentrés et précis en entretien, se relayant mutuellement, comme on parle d’une seule voix.
Ils viennent respectivement d’Odessa, de Zaporijia et de Kharkiv, « des villes aujourd’hui durement touchées ». Yelizaveta et Alina se sont rencontrées à l’école de cinéma. En 2013, juste avant la « révolution de la dignité » de la place Maïdan, à Kiev, elles ont fondé leur propre structure, pour travailler en toute indépendance, que Simon a intégrée par la suite. « Au départ, nous pensions nous consacrer à la fiction, mais la révolution a changé notre perspective. Nous nous sommes tournés vers le documentaire, précise Alina Gorlova. Lorsque l’invasion à grande échelle a commencé, il nous a paru naturel de nous unir, comme une voix collective, la voix de notre génération. »
Il vous reste 78.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.