Alors que la campagne lancée en 2008 sur le thème « pas d’écran avant 3 ans » n’a toujours pas réussi à produire les effets attendus (le temps d’écran des enfants de 2 ans approche une heure par jour), des professionnels de santé viennent de proposer un nouvel objectif : « Pas d’écran avant 6 ans ». Il est vrai qu’ils sont en première ligne pour recevoir les enfants victimes de surconsommation massive d’écran et pour en mesurer les effets catastrophiques. Outre qu’une telle interdiction risque de paraître irréaliste à beaucoup de parents et se heurte à des problèmes d’application, des études récentes montrent qu’il existe de nombreux facteurs de protection qui, s’ils étaient mis en place, permettraient de réduire à la fois le temps d’écran et ses conséquences les plus problématiques, autrement dit les facteurs de risque.
Tout d’abord, il est essentiel de tenir compte de la distinction entre écrans accompagnés et écrans non accompagnés. Plusieurs études ont en effet montré que si la télé allumée en toile de fond et le temps total d’écran réduisent les compétences langagières des jeunes enfants, en revanche le covisionnage et les contenus éducatifs sont associés à des compétences langagières accrues. L’alphabétisation baisse quand les enfants sont laissés seuls devant les écrans, mais elle augmente quand les parents regardent les programmes avec eux. Autrement dit, il est possible d’avoir des activités non seulement de socialisation, mais aussi d’apprentissage avec les écrans.
L’accompagnement ne consiste d’ailleurs pas forcément à visionner les programmes en famille. L’étude Elfe, publiée en 2024, montre que le fait de prendre les repas sans télé est associé à de meilleurs scores de raisonnement verbal à 2 ans, et de développement cognitif à 3 ans et demi et 5 ans. Autrement dit, l’idée que le temps passé devant les écrans serait du temps perdu pour les apprentissages fondamentaux ne s’applique qu’aux enfants abandonnés devant un écran, et encore faut-il que ce temps soit important – plus de cinq heures par jour. Se pose alors la question des difficultés rencontrées par les parents pour expliquer un tel volume horaire devant les écrans. Des troubles sous-jacents tels que la dépression pourraient favoriser cette surexposition.
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