Midjourney, DALL-E, Stable Diffusion… En 2022, le grand public découvre les premières intelligences artificielles (IA) dites text-to-image (« du texte à l’image »). Sur la base d’une simple description textuelle, ces modèles sont capables de générer des images, des simulacres de tableaux voire de reproduire le style de certains artistes. Si le monde de la tech s’émerveille, les artistes sont sidérés. Inquiets pour le futur de leurs activités professionnelles, ils comprennent aussi que ces outils sont en partie entraînés sur leurs propres œuvres, récoltées en ligne sans leur consentement. En février 2025, la sidération a laissé place à l’action. Alors que Paris accueille le sommet pour l’action sur l’IA les 10 et 11 février, et que le sujet sera abordé en amont lors du week-end culturel de l’IA, les communautés d’artistes sont depuis plusieurs mois entrées en résistance.
Dès janvier 2023, trois illustratrices américaines déposent ainsi un recours auprès d’un tribunal californien, estimant que les modèles text-to-image comme Stable Diffusion ou Midjourney sont entraînés sur leur propre travail. C’est le début du dossier « Andersen vs Stability ». « Ces entreprises se sont assises sur les notions de droits d’auteurs, considérant qu’une œuvre en ligne relevait de fait du droit commun », estime Matthew Butterick, avocat des artistes sur cette affaire.
En cause, le recours par ces compagnies à Laion, une structure allemande élaborant des jeux de données (datasets) ouverts au public pour que les géants de l’IA comme OpenAI, Google ou encore Meta ne soient pas les seuls à accéder à de grandes quantités de données d’entraînement. Des datasets colossaux (5,85 milliards d’images pour Laion-5B), souvent mis sur pied en collectant sans autorisation le contenu des sites de banques d’images comme Getty Images ou ShutterStock, ainsi celui de plateformes de partages de créations artistiques comme DeviantArt. « C’est le tabou autour de ces modèles : on parle d’intelligence artificielle, mais ses développeurs subtilisent de l’intelligence et de la créativité humaine, ici sous la forme d’œuvres d’art, puis la réduisent à l’état de données d’entraînement », estime Matthew Butterick. Après quelques mois d’attente, l’affaire « Andersen vs Stability » a été relancée en août 2024 par la cour de San Francisco, avec sept nouveaux artistes parmi les plaignants. La phase d’enquête judiciaire est en cours.
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