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Comme le pays tout entier, les partis politiques ont été pris de court par les législatives anticipées. Si l’enjeu est d’abord politique, il est aussi financier. Car ce sont notamment leurs résultats au premier tour des législatives qui déterminent la part de l’aide publique directe à laquelle ils auront droit, chaque année, durant cinq ans. Une aide nécessaire, sinon vitale, en particulier pour les formations qui ont déjà une situation financière fragile.

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Quel est l’état de santé des partis ?

Comme le rappelle au Monde Romain Rambaud, professeur de droit public et expert en droit électoral, « les comptes des partis sont connus tardivement, avec un décalage de deux ans » : le temps qu’ils soient bouclés puis déposés à des fins d’analyse à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Aujourd’hui, seuls sont disponibles les comptes de 2022 – ceux de 2023, en cours de dépôt, ne seront connus qu’en 2025. « La loi ne permet pas d’accéder aux comptes des partis en temps réel comme le voudrait la CNCCFP, en particulier lors des années électorales », souligne M. Rambaud. Le bilan révèle des situations très disparates.

Le Parti socialiste (PS) se hisse en tête des partis les plus « riches », avec 34,8 millions d’euros d’actif net – indicateur qui mesure la richesse en rapportant le patrimoine immobilier et financier aux dettes et provisions. La vente de son siège historique de la rue de Solférino, à Paris, lui a permis de se désendetter en 2018.

Le Parti communiste français (PCF) partage le podium, avec, coïncidence, exactement le même montant d’actif net (34,8 millions). En dépit du faible poids politique du PCF depuis les années 1980, le parti dispose d’un vaste patrimoine immobilier et de placements.

Renaissance, troisième, a réussi en sept ans à atteindre 23,7 millions d’euros d’actif net. Une performance due à l’accumulation rapide de dons collectés dans la foulée de sa création, et de l’élan alors suscité.

Europe Ecologie-Les Verts (EELV) affiche un bilan robuste (8,3 millions d’euros d’actif net), en hausse ces dernières années, avec un patrimoine multiplié par trois entre 2016 et 2022.

S’ensuit un peloton de partis en bonne santé : l’UDF, qui conserve son existence juridique de parti malgré son rattachement au Modem (5,9 millions) ; Reconquête ! (5,2 millions) ; le Modem (4,6 millions) et La France insoumise (1,9 million).

Les Républicains sont dans le rouge, avec un actif net négatif de 2,6 millions d’euros. S’il a redressé la barre par rapport aux années noires ( – 19 millions en 2016), le parti reste fragilisé, en perte de vitesse alors qu’il a engagé de lourdes dépenses pour financer des candidats en 2022.

Le Monde

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Le Rassemblement national (RN) ferme le ban, affichant « la situation nette négative la plus importante », à – 24,5 millions, relève la CNCCFP, à cause d’un endettement qui s’est fortement accru ces dernières années, et que ne compense pas la hausse de ses actifs.

Qui sont les partis les plus dépendants de l’aide publique ? 

Chaque année, comme cela a été fait en février 2024, est publié un décret dévoilant le montant d’aide publique directe allouée à chaque parti. Ce montant s’appuie sur les résultats aux législatives, et varie, d’une année sur l’autre, selon le nombre d’élus (députés et sénateurs) qui leur sont rattachés. En 2024, sur la base des législatives de 2022, les quatre plus gros bénéficiaires de l’aide publique sont Ensemble pour la majorité présidentielle, qui regroupe Renaissance, Horizons et le Mouvement démocrate(19,4 millions d’euros), le RN (10,1 millions), LR (9,5 millions) et LFI (7,9 millions). Ils se partagent plus de 70 % de l’enveloppe globale, qui s’élève à 66,4 millions

Cette aide publique représente une part prépondérante des ressources des partis, à laquelle s’ajoutent les cotisations et les dons – dont la défiscalisation constitue aussi une aide publique indirecte. Or, souligne M. Rambaud, « les partis émergents semblent les plus dépendants de l’aide publique directe. S’ils ne trouvent pas de débouché électoral de long terme, les dons de personnes physiques peuvent reculer ou se tarir ». Le parti d’Eric Zemmour, Reconquête !, est dans ce cas. Même Renaissance, plus solide et mieux ancré, n’est pas à l’abri du risque de l’essoufflement. Au contraire, les « vieux » partis enracinés, avec élus de terrain et ressources stables, comme le PS ou le PCF, sont mieux immunisés contre les revers électoraux et le reflux de l’aide publique. Ce qui n’empêche pas des situations délicates, comme celle de LR.

Ces législatives anticipées, qui ne suivent pas une présidentielle, « sont à la fois spectaculaires et inédites, parce qu’elles produiront un résultat autonome », résume M. Rambaud. Les équilibres vont changer et un parti risque de tirer son épingle du jeu : « Le RN pourrait encaisser le jackpot, des sommes considérables d’argent public, anticipe René Dosière, le président de l’Observatoire de l’éthique publique. Il a des candidats dans la plupart des circonscriptions ». Face à cette nouvelle donne, ce spécialiste des finances publiques se dit plus que jamais favorable à une réforme du mode de calcul de la répartition de l’aide publique directe : « La polarisation du vote, explique M. Dosière, plaide pour une norme qui ne serait plus seulement indexée sur les législatives mais tiendrait compte des élections européennes, régionales ou sénatoriales. »

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