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ARTE – MERCREDI 8 JANVIER À 22 H 35 – DOCUMENTAIRE

Dans un monde idéal, ils devraient être quatre, cinq, six, voire plus. Car dans un hôpital public aussi important que Beaujon, à Clichy (Hauts-de-Seine), à la lisière de la capitale, les besoins en psychiatrie sont nombreux, et souvent complexes à traiter. Mais dans la vraie vie, dans les couloirs et les escaliers de Beaujon, le trentenaire Jamal Abdel-Kader est seul. Son titre ? Psychiatre mobile. Dans un établissement public où les conditions d’accueil en psychiatrie sont détériorées en raison de moyens insuffisants, il doit se débrouiller, accompagné d’internes du département de psychiatrie et d’addictologie.

Lire la critique (Cannes 2023) : Article réservé à nos abonnés « Etat limite », un médecin à l’écoute des âmes blessées

Auteur de deux documentaires remarqués, tournés dans le sud des Etats-Unis (Southern Belle, en 2018, et Ghost Song, en 2021), Nicolas Peduzzi a suivi pas à pas Jamal Abdel-Kader durant plus de deux ans dans les entrailles de Beaujon. La caméra semble presque collée au dos de ce psy en baskets, toujours en mouvement. Entre visites à des patients aux lourdes pathologies, avec lesquels il sait prendre le temps nécessaire, et discussions lucides avec les internes ou le tête-à-tête avec un infirmier qui lui parle aussi de son mal-être, tout y passe, et le docteur Abdel-Kader semble toujours disponible.

Entre deux mouvements de caméra, les belles photos en noir et blanc de Pénélope Chauvelot offrent une respiration bienvenue, pendant que la musique originale du pianiste Gael Rakotondrabe enveloppe cette plongée à l’hôpital dans une ambiance très particulière, oscillant entre mélancolie et nervosité.

Solide sens de l’humour

Si ce documentaire au temps long est une réussite, la personnalité du jeune psychiatre y est naturellement pour beaucoup. Posé, calme dans les tempêtes du quotidien, clair dans ses propos, doté d’un solide sens de l’humour et pas dupe d’un système qui, à force de rogner sur les moyens, déshumanise la relation entre soignants et patients, le psy mobile révèle un caractère qui force l’admiration.

Jamal Abdel-Kader est donc seul, à Beaujon, pour traiter des patients relevant de soins psychiatriques. Et cette solitude lui pèse. Alors il parle, beaucoup, explique son métier, les difficultés, les espoirs parfois envolés d’un hôpital qui se donnerait enfin les moyens de bien traiter les patients. Il parle à ses patients toxicomanes, suicidaires, alcooliques, trouvant souvent les mots justes pour calmer des angoisses que l’on devine terrifiantes. « Au début, je voulais être chirurgien. Puis j’ai découvert la psychiatrie. Je voulais faire un truc plus politique, plus social. Et la psychiatrie, c’est exactement ça », résume-t-il de sa voix posée.

Quelle place accorder à ce genre de malades à l’hôpital public ? Quels moyens pour les soigner correctement ? « Ce que je fais n’est pas prévisible ni quantifiable. Je ne sais pas combien de temps ça va me prendre de construire un lien et d’apaiser une personne, d’apaiser sa famille. » Le docteur Abdel-Kader est lucide sur le peu de moyens mis dans les soins de réhabilitation psychosociale. Mais le combat continue, même si des séquelles – « J’ai mal au dos, je suis comme un vieillard » – se font sentir au quotidien.

Etat limite, documentaire de Nicolas Peduzzi (Fr., 2023, 103 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 15 mai 2026.

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