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Histoires Web dimanche, avril 27
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Parmi toutes les micro-tendances s’ajoutant les unes aux autres dans un embrouillamini stylistique aussi réjouissant de liberté que déprimant d’inélégance, le retour au premier plan de la santiag fait partie des plus remarquables. La surreprésentation de l’ancestrale paire de bottes dans des vidéos de type Outfit of the day (« look du jour ») ou Get ready with me (« préparez-vous avec moi ») postées sur les réseaux sociaux dit en effet beaucoup de notre rapport au vêtement.

Pour bien poser le problème, posons ses termes. Le nom « santiag », d’usage exclusivement en France et dans quelques pays francophones, serait une référence méconnue de feue l’entreprise belge Santiag, première importatrice des paires de ce style en Europe, et désigne en réalité ce que les Américains appellent des western boots. Apparues au XVIIIsiècle, les paires en question se distinguent depuis toujours par leur hauteur au genou, leur talon biseauté, leur tige ornée de surpiqûres et leur bout extrêmement pointu.

Ces caractéristiques recouvrent un sens et une fonction dans leur habitat naturel. Ces bottes protègent les mollets des cow-boys et des vaqueros des frottements contre le ventre du cheval et évitent, accessoirement, l’intrusion d’un serpent le long de la jambe. Le talon biseauté favorise l’enfoncement dans le sol, facilitant les manœuvres physiques. Les surpiqûres sur la tige préviennent l’affaissement du cuir. Enfin, la pointe permet l’introduction rapide du pied dans l’étrier.

Effet de style et souffrance

Le problème de la santiag tient dans la longueur de cette liste. Si les garde-robes contemporaines sont pleines de pièces utilitaires sorties de leur milieu d’origine, aucune ne pose autant de contraintes dans son usage quotidien. Concrètement, quand le jean libère de nombreux soucis de style et d’entretien, les santiags pèsent sur les jambes, cisaillent les pieds et déstabilisent la marche au point que descendre des escaliers sans tenir la rampe relève de la performance.

Extrêmement attirantes dans le principe, parfois sublimes sur le papier ou à l’écran, les santiags ne sont, hors contexte et hors propos, qu’effet de style et souffrance. Pour les assumer au quotidien, il faut donc de bien mauvaises raisons. Autrefois, elles aidaient à assouvir les fantasmes, rock ou américain, et à traverser les crises, de l’adolescence ou de la quarantaine. Aujourd’hui, les santiags ponctuent avec fracas des tenues et des poses pensées pour engendrer l’approbation sur les réseaux sociaux. Est-ce un progrès ? Non, mais cela fait sans doute moins mal aux pieds.

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