Plus de 1 000 cas de rougeole ont été enregistrés depuis le début de l’année aux Etats-Unis, selon un décompte de l’Agence France-Presse (AFP) révélé vendredi 9 mai. Cette maladie grave et contagieuse opère un retour en force, notamment aux Etats-Unis, sur fond de défiance croissante envers les vaccins.
« La situation est hors de contrôle », tonne le pédiatre infectiologue américain Paul Offit, pour qui il s’agit de la pire épidémie de rougeole dans le pays en « probablement trente ans ».
Une crise sanitaire d’ampleur à laquelle le ministre de la santé américain de Donald Trump, le vaccinosceptique Robert Kennedy Jr, est accusé de largement contribuer en alimentant les craintes à l’égard du vaccin.
Depuis le début de l’année, au moins 1 012 cas ont été confirmés à travers trente des cinquante Etats américains, celui du Texas représentant plus de 70 % des cas, selon un bilan réalisé par l’AFP à partir des données publiques de ministères locaux.
Trois personnes sont mortes, dont deux jeunes enfants, dans le sud-ouest du pays, épicentre de l’épidémie. Le dernier décès infantile dû à la rougeole aux Etats-Unis remontait avant cela à 2003, trois ans après que la rougeole y a été déclarée officiellement éradiquée grâce à la vaccination.
La rougeole provoque de la fièvre, des symptômes respiratoires et des éruptions cutanées, et dans certains cas des complications plus graves, comme une pneumonie et une inflammation du cerveau pouvant occasionner de graves séquelles et la mort.
« C’est la maladie infectieuse la plus contagieuse au monde et elle se répand maintenant comme une traînée de poudre », alerte le docteur Offit, pour qui l’ampleur de l’épidémie est largement sous-estimée. D’après les témoignages de multiples soignants, « le nombre de cas aux Etats-Unis pourrait en réalité être proche de 3 000, voire plus », rapporte-t-il.
Dérogations vaccinales
De nombreuses personnes infectées ne vont pas voir de médecin « par crainte de se voir imposer un vaccin ou encore parce qu’elles ne pensent pas se sentir assez mal », explique la pédiatre Tammy Camp, de l’ouest du Texas, où la majorité des cas ont été comptabilisés. Une sous-déclaration à laquelle s’ajoute le récent licenciement de milliers de fonctionnaires du ministère américain de la santé et des coupes financières drastiques compliquant les efforts de diagnostics, pointe M. Offit.
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L’épidémie a éclaté fin janvier dans une zone rurale texane où vit une communauté religieuse mennonite, une population ultraconservatrice et peu vaccinée, rappelant la précédente grande épidémie de 2019 – avec plus de 1 200 cas mais pas de décès – survenue dans des communautés juives orthodoxes de New York et du New Jersey.
Si le vaccin contre la rougeole est obligatoire aux Etats-Unis, les Américains peuvent dans une grande partie du pays comme au Texas, deuxième Etat le plus peuplé, invoquer une raison religieuse ou autre pour obtenir une dérogation.
Et le recours à ces exemptions vaccinales n’a cessé d’augmenter ces dernières années, en particulier depuis la pandémie de Covid-19, alimenté par une défiance grandissante de la population à l’égard des autorités sanitaires et des laboratoires pharmaceutiques.
Remèdes alternatifs
Le ministre de la santé américain, Robert Kennedy Jr, est accusé de jeter de l’huile sur le feu en répandant de fausses informations, comme quand il a assuré en mars sur la chaîne Fox News que le vaccin était à « l’origine de toutes les maladies que la rougeole elle-même provoque : encéphalite, cécité, etc. » Dans un autre gouvernement, « on lui aurait demandé de quitter son poste avant que d’autres enfants ne meurent », fulmine le professeur Offit.
Sur le terrain, ses propos oscillant entre minimisation de la gravité de la situation, remise en cause du bénéfice de la vaccination et promotion de remèdes alternatifs comme la vitamine A provoquent une certaine confusion, confirme la pédiatre Tammy Camp.
Certains des enfants qu’elle ausculte présentent des symptômes liés à une prise excessive de vitamine A, un complément qui réduit le risque de complication chez les personnes souffrant de malnutrition, mais peut s’avérer dangereux en cas d’excès, explique-t-elle. « Nous voyons de plus en plus de cas de maladies pouvant être évitées grâce aux vaccins et cela ne va pas s’arrêter à la rougeole », prévient-elle, citant la récente résurgence de cas de coqueluche, autre maladie infectieuse grave.
Avant la mise au point d’un vaccin au début des années 1960, la rougeole tuait des centaines d’enfants chaque année aux Etats-Unis, et continue de faire des dizaines de milliers de morts à travers le monde.