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Histoires Web lundi, juillet 7
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Il y a plusieurs sous-textes à la visite d’Etat d’Emmanuel Macron et de son épouse, du mardi 8 au jeudi 10 juillet, au Royaume-Uni – la première d’un président de la République depuis celle de Nicolas Sarkozy, en 2008.

La dimension bilatérale est la plus simple. Forcément protocolaire, cette visite est d’abord une façon de célébrer, grâce aux fastes de la monarchie, une amitié retrouvée entre les deux vieux voisins de part et d’autre de la Manche, après l’épreuve du Brexit, entré en vigueur en 2020, et celle de l’Aukus, l’accord de défense conclu entre Londres, Washington et Canberra en 2021, qui avait été perçu par Paris comme une trahison. Le départ de Boris Johnson du 10 Downing Street, en 2022, avait détendu l’atmosphère. La visite d’Etat du roi Charles III et de la reine Camilla en France l’année suivante a consacré un réchauffement des relations bilatérales.

Le sous-texte européen est un peu plus complexe. Arrivé au pouvoir en juillet 2024, le premier ministre travailliste, Keir Starmer, souhaite renouer avec l’Union européenne sans pour autant relancer le psychodrame d’une adhésion. C’est le reset britannique, une forme de relance à l’agenda assez vague, mais dont un sommet Union européenne – Royaume-Uni, le 19 mai, a jeté quelques bases. M. Macron est le premier dirigeant européen invité à Londres pour une visite d’Etat depuis le Brexit : c’est une façon aussi pour le Royaume-Uni, par ailleurs engagé dans un dialogue approfondi avec Berlin, d’envoyer un signal au continent.

Avec la France comme avec l’Allemagne, la coopération en matière de défense est la dimension la plus importante de ce rapprochement. Depuis le Brexit, l’Europe a basculé dans une autre ère, celle de la guerre à grande échelle que livre la Russie à l’Ukraine. En pointe sur l’aide militaire à l’Ukraine depuis 2014, notamment en matière de formation de l’armée ukrainienne, alors que Paris et Berlin choisissaient la voie de la négociation, le Royaume-Uni assure aujourd’hui avec la France le leadership d’une « coalition des volontaires » européens susceptible de garantir la sécurité de l’Ukraine dans l’hypothèse, encore très lointaine, d’un accord de paix.

Responsabilité particulière

C’est là qu’intervient le sous-texte transatlantique. Après le choc du retour de la guerre, l’Europe a subi celui du retour de Donald Trump à la Maison Blanche et d’une hostilité à l’égard du Vieux Continent plus prononcée encore que lors de son premier mandat. Ce choc est particulièrement douloureux pour le Royaume-Uni, qui s’est toujours considéré comme l’héritier d’une « relation spéciale » avec Washington. Il n’est sans doute pas anodin que le roi Charles III accueille à Windsor le président français avant le président américain, que l’on sait très sensible aux ors de la couronne britannique et que M. Starmer avait cru amadouer, en février, dans le bureau Ovale, avec une invitation exceptionnelle à une deuxième visite d’Etat, après celle de 2019.

Seuls Etats européens dotés de l’arme nucléaire, la France et le Royaume-Uni sont aussi les deux pays européens membres permanents du Conseil de sécurité des Nations unies. Ils ont en commun une culture stratégique que n’a pas l’Allemagne, et des armées conscientes de leur fonction, bien qu’appauvries par les coupes budgétaires. Tout cela confère à MM. Macron et Starmer une responsabilité particulière, au-delà des sujets qui fâchent et des difficultés qu’ils partagent en politique intérieure : celle de jouer un rôle moteur dans le renforcement de l’Europe face à une Russie de plus en plus agressive et à une Amérique de moins en moins solidaire.

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Le Monde

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