Le vote du Sénat ne faisait guère de doute, la position du gouvernement était plus incertaine. Les sénateurs ont largement adopté, dans la nuit du lundi 27 à mardi 28 janvier une proposition de loi visant à « lever les contraintes à l’exercice du métier d’agriculteur », qui prévoit notamment la réintroduction dérogatoire d’un néonicotinoïde, l’acétamipride, interdit en France depuis 2018, et dont plusieurs filières végétales, parmi lesquelles les producteurs de betteraves sucrières et de noisettes, réclament le retour.
Le texte, sensiblement modifié par rapport à sa version votée en commission des affaires économiques en décembre, assouplit également plusieurs règles en matière de processus d’homologation de produits phytosanitaires, de stockage de l’eau ou d’extension d’élevage. L’exécutif, qui a obtenu que ce texte soit en partie réécrit, a accepté la demande des sénateurs de la droite et centristes de faire figurer cette proposition de loi à l’agenda de l’Assemblée nationale au printemps.
Le sujet le plus explosif de cette proposition de loi concerne l’acétamipride. Si, à l’ouverture des débats, le gouvernement s’est opposé à une levée complète de l’interdiction des néonicotinoïdes, estimant notamment qu’une telle disposition serait inconstitutionnelle – l’exécutif a déposé un amendement de suppression de l’article concerné –, la ministre de l’agriculture, Annie Genevard, n’a finalement pas contesté un retour conditionné de l’acétamipride. Au nom du gouvernement, qu’elle représentait sur le banc, Mme Genevard a rendu un « avis de sagesse » – c’est-à-dire ni favorable ni défavorable – à une dérogation qu’elle a estimé être « strictement proportionnée ».
Effet sur les pollinisateurs
Selon la formulation votée, la réintroduction serait conditionnée par filière à l’absence d’alternative viable et à l’existence d’un plan de recherche d’autres options. Malgré l’ajout de ces critères, la proposition des sénateurs suscite de nombreuses inquiétudes. « Le risque est que ces dérogations deviennent la nouvelle norme. C’est un pansement de façade, estime Charlotte Labauge, chargée de plaidoyer au sein de l’association Pollinis. On n’a plus de temps à perdre avec des produits hautement toxiques pour les pollinisateurs. Symboliquement, ce retour en arrière va de facto ralentir la transition agricole. »
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