Illia Iliachenko avait 19 ans quand il a été capturé par les Russes à l’usine Azovstal, à Marioupol, le 18 mai 2022. Pendant ses dix mois de détention, ce soldat ukrainien a enduré d’innombrables tortures, mais il en est une sur laquelle il a toujours gardé le silence : les sévices sexuels que ses bourreaux lui ont infligés. « Quand vous êtes en prison, vous repensez à toute votre vie, confie le jeune homme à la frêle silhouette, en cette après-midi de mars, à Kiev. Moi, je voulais fonder une famille et avoir des enfants. Aujourd’hui, si jamais je n’arrive pas à en avoir, je saurai pourquoi. »
Après le retrait des Russes de la région de Kiev, en avril 2022, et la libération d’une partie des territoires occupés dans l’est du pays sept mois plus tard, les Ukrainiens ont découvert peu à peu l’ampleur des violences sexuelles perpétrées par les soldats de Moscou. Ce que l’on sait moins, en revanche, c’est que les Russes utilisent aussi cette arme de guerre contre les hommes – militaires comme civils. Mais le tabou est si fort, et la parole des survivants si rare, que ce phénomène reste largement invisible. Il est pourtant massif, d’après les premiers éléments recueillis par l’ONU.
Depuis le début de l’invasion russe, le 24 février 2022, le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme a documenté 370 cas de violences sexuelles. Plus de 68 % des victimes sont de sexe masculin (252 hommes et 2 mineurs), indique-t-il dans un rapport publié le 31 décembre 2024. La grande majorité de ces crimes (306) ont été perpétrés en prison par les « membres des forces armées russes, les autorités chargées de l’application de la loi et les services pénitentiaires ». De son côté, le bureau du procureur général d’Ukraine a recensé, jusqu’ici, 344 cas de violences sexuelles liées au conflit, dont 124 contre des hommes. Mais les experts estiment que ces chiffres sont largement sous-estimés.
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