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Histoires Web lundi, septembre 23
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Au sommet d’une colline, l’endroit domine la campagne vallonnée et agricole de la ville de Nigde, cité grise d’Anatolie, sans charme ni nuances, flanquée de maisons massives écrasées par le soleil de ce Sud profond turc. Un simple panneau de la mairie, planté au bord de la piste, indique « cimetière pour animaux ». Il n’y a rien, excepté quelques monticules de terre et des trous en forme de tranchées. Au fond de l’une d’elles, un chien à la nuque brisée gisant sous une pelletée de chaux blanche. Le sang est encore rouge vif. Tout autour, on discerne les contours d’autres corps nivelés par les gravats.

C’est ici que deux militantes de la cause animale, Emine et Melis (les prénoms ont été modifiés), ont filmé, le 6 août, des agents de la mairie venus déposer une demi-douzaine de chiens. Des corps inertes dans des sacs en plastique abandonnés au petit matin. Les images publiées sur les réseaux sociaux ont immédiatement suscité l’émoi. Elles venaient s’ajouter aux photos de charniers de chiens qui surgissent alors d’un peu partout dans le pays : Altindag, un quartier d’Ankara, Edirne, en Thrace, Tokat, dans la région de la mer Noire, Sanliurfa, dans le Sud, ou Uzunköprü, une petite ville proche de la Bulgarie.

Surtout, ces images sont venues confirmer les craintes des défenseurs des animaux, qui s’étaient opposés à l’adoption, le 30 juillet, d’une loi controversée, visant à réguler la population des chiens errants, au nombre de 4 millions sur tout le territoire, selon les autorités. Ce texte, porté par la coalition islamo-nationaliste au pouvoir du président Recep Tayyip Erdogan, oblige les municipalités à recueillir les chiens errants et à les héberger dans des refuges où ils seront vaccinés et stérilisés avant d’être proposés à l’adoption. Il impose surtout l’euthanasie des chiens considérés comme « malades » ou « agressifs », selon des procédures non encore définies.

« Un danger pour nos enfants »

Les opposants à la loi y voient une forme de « licence pour tuer », comme l’a écrit l’auteur et poète Ahmet Ümit. « Comme il n’y a pas assez de places dans les abris, une voie a été ouverte pour l’abattage, affirmait le vétérinaire Turkan Ceylan, le jour du vote de la loi. Nous, les défenseurs des droits des animaux, savons très bien que cela signifie la mort. » A l’échelle du pays, la Turquie compte au total 322 refuges, soit une capacité d’à peine 105 000 chiens. Dans les villes, surtout dans les quartiers périphériques des grands centres urbains et les villes moyennes, les chiens des rues, comme on les appelle, font partie du quotidien et même de l’imaginaire. Dès l’apparition des premiers guides touristiques au XIXe siècle, les chiens y sont mentionnés soit à la rubrique « nuisance », soit sous celle des « curiosités ».

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