LETTRE D’ISTANBUL
Les distinctions officielles disent beaucoup d’une époque, parfois même elles l’anticipent. Le prix Necip Fazil, décerné le 3 janvier, des mains du président turc, Recep Tayyip Erdogan, en est une illustration. Créé en 2014 par le pouvoir islamo-conservateur, en hommage au poète préféré du chef de l’Etat, Necip Fazil Kisakürek (1904-1983), romancier, dramaturge, idéologue islamiste, complotiste et truculent chantre de l’anticommunisme et de la modernité turque, il vient récompenser chaque année artistes et auteurs dans le but de préserver l’héritage culturel de l’écrivain. En d’autres termes, les œuvres qui flattent les thuriféraires de la « tradition », si chère au pouvoir en place.
Dans la catégorie « recherche d’idées », c’est un psychiatre jungien qui a reçu la distinction : Mustafa Merter, 77 ans, connu surtout des plateaux télévisés des chaînes progouvernement et des réseaux sociaux. L’homme est avenant, doté d’un charme certain et d’une prodigieuse assurance. Comme ses confrères islamiques, il utilise les notions de nefs (« âme ») ou zinhin (« esprit ») pour reformuler des concepts comme le moi, le surmoi ou l’inconscient. Mais c’est principalement la dénonciation et la critique au vitriol des milieux progressistes qui lui servent de trame narrative.
Il vous reste 80.7% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.