Au lendemain de violentes manifestations lors des élections présidentielle et législatives, l’Internet était toujours coupé jeudi 30 octobre matin en Tanzanie, notamment dans la capitale économique, Dar es-Salaam, où un couvre-feu a été imposé et où l’on redoute de nombreuses victimes, sans qu’un bilan certain ait pu être établi pour l’instant.
Promue à la succession de John Magufuli à sa mort, en 2021, Samia Suluhu Hassan aspire cette fois à être élue. Saluée dans un premier temps pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle est aujourd’hui accusée de mener une répression sévère contre ses critiques.
L’important dispositif sécuritaire mis en place mercredi n’a pas dissuadé des centaines de personnes, surtout de jeunes hommes, de manifester à Dar es-Salaam. Un commissariat a été incendié dans la capitale économique, la plus peuplée du pays (six millions à huit millions d’habitants), où les manifestants scandaient « Rendez-nous notre pays ! », a constaté un journaliste de l’Agence France-Presse (AFP).
Une source diplomatique a déclaré à l’AFP que les troubles s’étaient poursuivis dans la nuit malgré le couvre-feu décrété à Dar es-Salaam. L’Internet était toujours coupé jeudi et, toujours selon cette source, la police et l’armée ont installé des postes de contrôle autour de Dar-es Salaam et d’autres villes. Les écoles étaient fermées jeudi et les fonctionnaires ont reçu l’ordre de travailler à domicile, a rapporté un journaliste de l’AFP.
Colère contre le fils de la cheffe de l’Etat
Le gouvernement est resté silencieux et les médias locaux – très contrôlés – n’ont fait aucune mention des troubles, et n’ont pas actualisé les informations sur les élections, dont les résultats devraient être communiqués dans les deux jours à venir. La plupart des médias étrangers n’ont pas obtenu d’accréditation pour couvrir le scrutin en Tanzanie continentale, où se sont déroulés les heurts, mais ils peuvent travailler sur l’archipel de Zanzibar, où la situation est beaucoup plus apaisée.
Une grande partie de la colère, constatée en ligne, est dirigée contre le fils de la cheffe de l’Etat, Abdul, qui pilote une « force d’intervention informelle » de police et de services de renseignement pour gérer la sécurité électorale, selon le média spécialisé Africa Intelligence. Cette force est accusée d’une importante augmentation des enlèvements de critiques du gouvernement au cours des jours qui ont précédé le scrutin, notamment celui d’une populaire influenceuse, Niffer, elle-même accusée d’appeler à des manifestations.
Mme Hassan fait face, depuis son arrivée au pouvoir, à l’opposition de certaines parties de l’armée et d’alliés de son prédécesseur, selon des analystes. L’organisation de défense des droits humains Amnesty International a dénoncé une « vague de terreur » marquée par « des disparitions forcées, des arrestations arbitraires, des actes de torture et (…) des exécutions extrajudiciaires » avant le scrutin.
La participation de Chadema dans ces élections a été disqualifiée pour avoir refusé de signer le code électoral qui, selon cette formation, n’incluait pas les réformes qu’il exigeait. Le parti a appelé au boycott du scrutin. Son chef, Tundu Lissu, arrêté en avril, est jugé pour trahison, une accusation passible de la peine capitale. Le seul autre candidat sérieux de l’opposition, Luhaga Mpina, de l’ACT-Wazalendo, a quant à lui été disqualifié pour des raisons de procédure.










