La plus haute autorité spirituelle des Druzes de Syrie a dénoncé, jeudi 1er mai, une « campagne génocidaire » contre sa communauté et s’en est pris au pouvoir d’Ahmed Al-Charaa, au lendemain de combats confessionnels près de Damas ayant fait plus de 70 morts, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH). Ces heurts entre combattants druzes et groupes armés liés au pouvoir sunnite illustrent l’instabilité persistante en Syrie, près de cinq mois après le renversement du président Bachar Al-Assad, issu de la minorité alaouite.
Dans un communiqué, cheikh Hikmat Al-Hajri a dénoncé une « campagne génocidaire injustifiée » visant des « civils à leur domicile » et réclamé « une intervention immédiate de forces internationales ». Il a affirmé : « Nous ne faisons plus confiance à une entité qui prétend être un gouvernement. (…) Un gouvernement ne tue pas son peuple en recourant à ses propres milices extrémistes, puis, après les massacres, prétend que ce sont des éléments incontrôlés. (…) Un gouvernement protège son peuple. »
Les combats à Jaramana, une banlieue de Damas, et à Sahnaya, où vivent des chrétiens et des Druzes, ont réveillé le spectre des massacres qui ont fait début mars plus de 1 700 morts, en grande majorité des membres de la minorité alaouite. Les violences avaient été déclenchées par des attaques des pro-Assad contre les forces de sécurité.
Les Druzes sont une minorité ésotérique issue de l’islam chiite, et ses membres sont répartis notamment entre le Liban, la Syrie et Israël. Les alaouites sont une autre branche minoritaire de l’islam, tandis que le sunnisme et le chiisme en sont les deux principaux courants.
Forces de sécurité déployées
Les combats près de Damas ont été déclenchés lundi 28 avril au soir par une attaque de groupes armés affiliés au pouvoir contre Jaramana, après la diffusion sur les réseaux sociaux d’un message audio attribué à un druze et jugé blasphématoire à l’égard du prophète Mahomet. L’authenticité du message n’a pas pu être vérifiée.
Les heurts entre groupes armés liés au pouvoir islamiste sunnite et combattants druzes se sont étendus mercredi à Sahnaya. Selon l’OSDH, au moins 73 personnes ont été tuées au cours de ces deux jours de violences : 30 membres des forces de sécurité du pouvoir islamiste et combattants affiliés, ainsi que 15 combattants druzes et un civil. Dans la province de Soueïda (sud), bastion de la communauté druze près d’Israël, 27 autres combattants druzes ont été tués mercredi, d’après l’ONG.
Des accords entre représentants des druzes et du pouvoir ont permis de rétablir le calme mardi soir à Jaramana, et mercredi soir à Sahnaya, à 15 kilomètres au sud-ouest de Damas, où des forces de sécurité ont été déployées. Les autorités syriennes avaient averti qu’elles « frapperaient d’une main de fer tous ceux qui cherchent à saper la stabilité de la Syrie », accusant des « groupes hors-la-loi » d’avoir provoqué les violences.
Le pouvoir syrien a, dans ce contexte, réaffirmé son « engagement ferme à protéger toutes les composantes du peuple syrien, y compris la communauté druze ». Il a aussi exprimé « son rejet catégorique de toute ingérence étrangère » après l’intervention militaire israélienne.
Frappes israéliennes
Affirmant vouloir défendre les Druzes, Israël, pays voisin de la Syrie avec laquelle il est techniquement en guerre, a mené des frappes mercredi sur la région de Sahnaya. Le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, et son ministre de la défense, Israel Katz, ont affirmé que l’armée avait mené « une action d’avertissement » contre un « groupe extrémiste qui se préparait à attaquer la population druze de Sahnaya ».
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L’armée israélienne a annoncé que ses forces étaient prêtes à frapper des cibles du pouvoir syrien si « la violence contre la communauté druze persistait ». Elle a en outre affirmé avoir évacué trois Druzes syriens blessés dans les heurts vers Israël.
Les Druzes d’Israël forment une minorité arabophone d’environ 150 000 personnes réputée pour son patriotisme, et sont surreprésentés dans l’armée et la police par rapport à leur nombre. Dès la chute de Bachar Al-Assad le 8 décembre 2024, Israël a multiplié les gestes d’ouverture envers les Druzes. Début mars, après des escarmouches à Jaramana, Israël avait menacé d’une intervention militaire si les autorités syriennes s’en prenaient à cette minorité.
Mais les dignitaires druzes ont réaffirmé leur attachement à l’unité de la Syrie et rejeté les menaces israéliennes contre le pouvoir syrien. Au Liban voisin, le chef druze libanais, Walid Joumblatt, a accusé, mercredi, Israël d’instrumentaliser les Druzes de Syrie. « Israël continue de vouloir appliquer son plan de toujours (…) consistant à morceler la région en entités confessionnelles et à étendre le chaos », avait-il déclaré fin mars.
L’envoyé spécial de l’Organisation des Nations unies pour la Syrie, Geir O. Pedersen, s’est dit « alarmé » par le « potentiel d’escalade » après ces violences et a exigé que cessent les attaques israéliennes. De son côté, la France a condamné « les violences confessionnelles meurtrières à l’encontre des druzes en Syrie » et appelé « Israël à ne pas conduire d’actions unilatérales susceptibles d’aggraver les tensions communautaires ».