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Histoires Web mercredi, octobre 16
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LETTRE DES CARAÏBES

Un soir d’octobre, en l’espace de quelques minutes, la vie de Rose-Merline Florvil a basculé. « J’étais chez moi et on a frappé à la porte. Je suis allée ouvrir : c’étaient les services de l’immigration », raconte cette ressortissante haïtienne de 24 ans, expulsée de République dominicaine, vendredi 11 octobre. « Je n’ai pas eu le temps de m’habiller. Ils se sont emparés de moi, ils m’ont jetée à l’arrière d’un camion », poursuit, la voix nouée par l’émotion, cette pâtissière originaire d’Arcahaie, ville portuaire située non loin de Port-au-Prince, la capitale haïtienne.

Fuyant la misère, mais surtout l’insécurité galopante causée par les bandes criminelles qui sèment la terreur depuis plusieurs années en Haïti, la jeune femme s’était installée, en mai, à Saint-Domingue, la capitale du pays frontalier. Elle y avait rejoint son compagnon, peintre en bâtiment, qui avait émigré trois ans auparavant, et cherchait un emploi. Le couple a été séparé du fait de l’arrestation expéditive de la jeune femme, enceinte de quatre mois. « On m’a attrapée sans mon mari : il n’était pas à la maison », poursuit Mme Florvil.

Après plusieurs heures de route, dans des conditions de transport « déplorables », la migrante a été reconduite du côté haïtien de la frontière, longue de 376 km et qui serpente du nord au sud de l’île d’Hispaniola. Là, elle a été prise en charge par une organisation non gouvernementale haïtienne, le Groupe d’appui aux rapatriés et aux réfugiés, dans la localité de Belladère, au centre de l’île. Ayant égaré son téléphone durant ce périple cauchemardesque, la jeune femme cherche toujours désespérément à contacter son conjoint et ses proches. « Je n’ai plus d’argent pour aller chez moi, je n’ai rien à manger », explique Mme Florvil, sanglotant au téléphone prêté par un membre de cette organisation.

Depuis début octobre, les expulsions de ressortissants haïtiens vivant en République dominicaine, à l’instar de la jeune pâtissière d’Arcahaie, se multiplient, à la suite d’une décision du président dominicain, Luis Abinader. Le 2 octobre, lors d’un conseil de défense avec les hauts gradés de l’armée, le dirigeant a pris la décision avec effet immédiat d’expulser « jusqu’à 10 000 immigrés par semaine », selon un communiqué présidentiel. La mesure, censée « réduire l’excédent de population immigrée » dans le pays, doit être assortie de « protocoles stricts garantissant le respect des droits de l’homme et de la dignité des personnes expulsées », ajoute le texte.

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