La recherche est affaire de patience. Y compris dans le domaine des télescopes, comme le raconte dans les détails l’astronome Roland Bacon, 68 ans, qui a construit plusieurs instruments, dont l’un, MUSE, l’a occupé pendant plus de douze ans avant d’être opérationnel.
Il n’est pas si courant que des scientifiques de cette discipline reviennent moins sur les découvertes auxquelles ils ont contribué que sur les appareils qui leur ont permis de le faire. C’est pourtant le choix réussi de cet astronome du CNRS au Centre de recherche astrophysique de Lyon, qui abandonna le travail calculatoire de sa thèse pour passer à des activités plus pratiques de conception et de mise au point de nouveaux détecteurs.
Il sera ainsi le premier, dans les années 1980, à démontrer la faisabilité d’une technique originale qui va bouleverser l’astronomie, au point que les grands télescopes, comme le James-Webb dans l’espace ou le futur ELT (Extremely Large Telescope) sur Terre, l’adopteront. Il s’agit de la spectrographie intégrale de champ, qui enrichit les images classiques du ciel en deux dimensions par une troisième dimension, qui donne la composition de la lumière en plusieurs points de l’image (les fameux spectres).
Joies et déceptions
En 1987, son premier chef-d’œuvre, Tiger, installé sur un télescope hawaïen, ramène 80 spectres d’une même image. De quoi mesurer les vitesses d’une grande quantité de galaxies et identifier les halos gazeux autour d’elles. Il y aura ensuite Oasis, Sauron, et surtout MUSE, à partir de 2001. « Un monstre », « une bête vivante », de plusieurs tonnes, qui est accroché à un des télescopes chiliens du VLT (Very Large Telescope), géré par l’Observatoire européen austral.
L’astronome ne cache rien des difficultés de ce travail. Convaincre des jurys, trouver les fonds et les entreprises capables de réaliser ces bijoux de technologie, gérer les tensions dans l’équipe… Il montre aussi que prendre les photos, c’est bien, mais les analyser n’est pas simple non plus et peut occuper presque une thèse. Il faut également savoir bricoler, pour enlever de la buée sur un miroir, ou tourner à la main des rouages quand l’électronique fait défaut.
Dans cette histoire, on voyage, d’Hawaï au Chili, en passant par Les Canaries (Espagne) et Lyon pour des conférences ou des réunions-clés. On partage les joies et parfois les déceptions de l’auteur et de ses collègues dont les projets sont refusés. MUSE a été couronné de succès depuis sa mise en service, en 2014, en repérant des galaxies anciennes, non vues par le télescope Hubble, ou en photographiant pour la première fois la toile cosmique, filaments de gaz dans lesquels naissent les galaxies.
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