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Anna Sebastian Perayil avait 26 ans et travaillait comme comptable dans les bureaux du géant de l’audit EY, à Pune, grande ville de l’ouest de l’Inde. Elle est morte subitement le 20 juillet. Pour sa mère, cela ne fait pas de doute, c’est le travail qui l’a tuée. Elle raconte sur les réseaux la pression, le stress, les journées à rallonge. Dans une lettre à l’entreprise, rapportée par la BBC, elle explique que ce drame « met en lumière une culture qui glorifie le surtravail ». « (…) La pression pour réaliser des objectifs irréalistes a coûté la vie de notre fille », conclut-elle.

Son témoignage a réveillé le débat dans tout le pays sur une « culture toxique du travail » qui touche en priorité les jeunes. Sur les réseaux, les confessions ont afflué, notamment en direction de EY. Devant l’émotion suscitée, l’administration locale du travail a diligenté une enquête au sein de la société de conseil.

Au-delà du cabinet d’audit lui-même, plusieurs dirigeants d’entreprises indiennes se sont insurgés contre cette interprétation. Le cofondateur de la société de services informatiques Infosys, Narayana Murthy, avait créé la polémique en affirmant que les jeunes devraient travailler soixante-dix heures par semaine pour doper la croissance indienne. Pour Bhavish Aggarwal, le patron de la société de transport Ola, « si vous aimez votre travail, vous serez heureux dans la vie ».

Taux de rotation des salariés très élevés

Ce n’est pas le sentiment dominant des salariés. Selon le dernier sondage mondial Gallup sur le bien-être au travail, rapporté par l’Economic Times of India, seuls 14 % des salariés indiens s’estiment épanouis, quand les 86 % restants luttent ou souffrent au travail. Avec pour conséquence des taux de rotation des salariés très élevés.

Cet engagement extrême dans le travail a été renforcé par la spécialisation du pays dans le secteur florissant des services aux entreprises à l’international à partir des années 1990. En trente ans, le pays est devenu le bureau du monde. Que ce soit pour répondre au téléphone, développer des logiciels ou analyser de l’imagerie médicale, le soleil ne se couche jamais sur les open spaces de Bangalore, Pune ou Mumbai (Bombay). Dès l’école, la culture du travail dur est la règle.

Lire le reportage | Article réservé à nos abonnés En Inde, le désenchantement de la jeunesse diplômée

Est-on si loin du meilleur équilibre vie privée-vie professionnelle revendiqué par de plus en plus de salariés dans le monde occidental, comme en témoigne l’engouement récent pour le télétravail ? Pas tant que ça, à voir l’émotion suscitée dans la jeunesse indienne par le drame d’Anna Perayil. A l’heure de l’intelligence artificielle et des robots, la souffrance au travail n’est plus massivement celle de la mine. Mais elle reste un combat sans cesse renouvelé.

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