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Histoires Web mardi, juillet 2
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« Ils sont là, regardez. » François Sargos, le conservateur de la réserve naturelle nationale de l’étang de Cousseau (Gironde) tend sa paire de jumelles et indique la direction où observer ses nouveaux pensionnaires. Les petits points noirs s’égrainent en file indienne sur une vaste étendue d’eau parsemée de taches d’herbe : huit buffles introduits en avril dans le marais de Talaris. Ces bienheureux, six femelles et deux jeunes mâles castrés, profitent en cette fin de printemps d’un usufruit quasi exclusif sur les 500 hectares de zone humide aux côtés de quelques aigrettes garzettes et de hérons. Les 17 000 grues hivernantes ont levé le camp dès la mi-janvier sans attendre ces nouveaux venus.

Pour approcher la petite troupe fraîchement débarquée de Bretagne, un accompagnateur et des bottes sont obligatoires. La discrétion est également de mise : une des femelles est gestante et même si le buffle d’eau est d’un naturel placide et curieux (« Mes collègues disent que ce sont des labradors », s’amuse François Sargos), personne n’a envie de fâcher un animal de plus de 300 kilos doté d’une belle pointe de vitesse.

A une vingtaine de mètres au-dessus du sol, la tour d’observation du Galip, ouverte au public, est l’emplacement idéal pour embrasser d’un regard la configuration des lieux sans troubler leur tranquillité. Au nord et au sud, les lacs médocains d’Hourtin et de Lacanau. En face, à l’est, un horizon sans fin de pins maritimes : le plateau des Landes descendant en pente douce vers l’Atlantique. Derrière, à l’ouest, les formations dunaires boisées étouffent le grondement de l’océan, situé à 4 kilomètres à vol d’oiseau. Elles forment une barrière au pied de laquelle s’est constituée une gouttière géologique : l’étang et le marais où s’accumule l’eau douce.

Si l’activité des buffles consiste essentiellement à brouter, ruminer, se frotter contre les saules et à prendre régulièrement des bains rafraîchissants, leur mission, nettement plus cruciale, vise à préserver ce qui s’offre à nos yeux : un paysage relique des Landes de Gascogne, qui s’étendait jadis de Soulac, à la pointe du Médoc, jusqu’à Hossegor, aux portes du Pays basque. Leur appétit pour la végétation doit maintenir le paysage ouvert et éviter l’avancée de la forêt.

Lutte contre la disparition d’un écosystème

« On n’a pas voulu laisser faire », dit François Sargos en rembobinant les grandes étapes d’une lutte contre la disparition planifiée d’un écosystème, « et d’une culture », insiste-t-il. Ici, les aménagements touristiques du XXe siècle ont pris le relais des grands travaux d’assainissement et de plantation systématiques entamés dès le XVIIIe siècle. D’abord la fixation du cordon de dunes littorales ensemencé de pins maritimes. Puis le drainage des marais pour étendre la sylviculture vers l’intérieur des terres. Côté pile, on rendait ainsi salubre une région où le paludisme restait endémique. Côté face, on remisait dans les réserves des musées d’arts et traditions populaires des siècles de pastoralisme grimpé sur échasses.

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