Un vent violent balaie le sommet d’une colline de Cisjordanie, entre Ramallah et Naplouse, faisant virevolter les peot (mèches de cheveux typiques des juifs orthodoxes) d’Avichav Melat, 37 ans. La pluie s’en mêlant, le colon israélien invite à rejoindre une grotte, ses moutons compris. Le père de famille a hissé tout près sa demeure en contreplaqué, sans eau ni électricité, avec sa femme et ses sept enfants âgés de 2 semaines à 10 ans. La bicoque fait partie de Geulat Zion, l’un de ces avant-postes illégaux, même au regard du droit israélien, qui parsèment les crêtes de Cisjordanie occupée. Le droit international, lui, juge illégales l’ensemble des colonies.
« Mon arrière-grand-père et mon grand-père sont arrivés de Lituanie sous mandat britannique et ont fondé des colonies. Mon père a fondé Shvut Rachel [une colonie toute proche] et moi, je continue, dit-il. C’est l’histoire d’Israël et c’est ce que le monde commence seulement à assimiler : nous sommes chez nous. » En contrebas, de petites maisons sont alignées le long de pieds de vigne. Une tractopelle entasse de la terre un peu plus loin. Il faut faire de la place pour de nouveaux arrivants.
Réviser tout son lexique
Dans cette région occupée par l’armée israélienne depuis 1967, les colonies juives n’en finissent pas de s’étendre. Partout, de nouvelles routes en terre, comme celle menant chez Avichav, strient les collines, tandis que de l’asphalte frais recouvre le tracé des plus anciennes. Les engins de chantier sont omniprésents. Des barbelés entourent les habitations, parfois même les champs, non loin des villages palestiniens reconnaissables à leurs minarets. Circuler ici donne le sentiment de traverser un chapelet d’îles. Aller à la rencontre des colons israéliens suppose aussi de réviser tout son lexique. On ne dit pas « Cisjordanie », mais « Judée-Samarie », pas « colonies » mais « implantations ». On ne parle pas de territoire « occupé » et encore moins d’« annexion », mais de « souveraineté ». Dernier détail : le nombre d’enfants est systématiquement mis en avant lors des présentations.
Il vous reste 81.27% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.