Un vrombissement entêtant fait lever les yeux au ciel. « Un drone », commente placidement Walid Al-Omari. Le directeur d’Al-Jazira dans les territoires palestiniens occupés a bien d’autres préoccupations que de s’attarder sur l’engin volant au-dessus de Ramallah. Le sexagénaire à la haute silhouette, figure de la scène médiatique arabe, se démène depuis un mois et demi pour que la chaîne qatarie continue d’opérer en Cisjordanie, malgré la fermeture de ses bureaux à Ramallah par l’armée israélienne.
La mesure a été imposée le 22 septembre, pour une durée de quarante-cinq jours, et, mercredi 6 novembre, à l’échéance de cette période, l’équipe d’Al-Jazira s’attendait à ce que la sanction soit renouvelée. L’ordre de fermeture des locaux de la chaîne à Jérusalem-Est, pris quelques mois plus tôt, le 5 mai, a été prorogé à plusieurs reprises. « Les Israéliens veulent contrôler toute l’information de ce qui se passe ici, je ne suis pas optimiste », soupire Walid Al-Omari. Mercredi soir, en l’absence de notification des autorités israéliennes, les journalistes de la chaîne envisageaient toutefois d’enlever les scellés apposés sur la porte d’entrée de leurs bureaux. Au risque que les soldats israéliens n’envahissent une seconde fois les lieux…
Le 22 septembre, à 3 heures du matin, lors de leur descente dans les locaux de la chaîne, située dans le centre de Ramallah, Walid Al-Omari se trouvait sur place. Quelques minutes plus tard, il se retrouvait à lire en direct, micro à la main, l’avis de fermeture, devant une escouade de militaires. La chaîne est accusée d’« inciter à la terreur » et de mettre « en danger la sécurité et l’ordre public dans la région et dans l’ensemble de l’Etat d’Israël », a-t-il énoncé, avant de poursuivre : « L’ordre ne vient pas de la justice israélienne, mais du commandement israélien de Cisjordanie. » « Je vous demande de prendre vos caméras et de quitter les lieux immédiatement », l’avait interrompu un soldat, selon les dernières images diffusées par la chaîne.
« Nous sommes victimes d’une campagne »
Depuis cette date, les bureaux d’Al-Jazira, installés au sommet d’un centre commercial, sont clos. Au huitième étage, des plaques de fer rouillé ont été soudées, condamnant la double porte d’entrée sur laquelle restent accrochées deux feuilles manuscrites détaillant, en hébreu, le matériel confisqué. « Journalism is not a crime » (« le journalisme n’est pas un crime »), proclame à côté une affiche. A l’étage inférieur, au septième, l’accès aux bureaux d’Al-Jazira English, la chaîne anglophone du groupe qatari, est également interdit. Les portraits de la journaliste américano-palestinienne Shireen Abu Akleh, tuée par un soldat israélien, le 11 mai 2022, alors qu’elle couvrait un raid des forces d’occupation à Jénine, dans le nord de la Cisjordanie, ont disparu de la façade extérieure de l’immeuble. Walid Al-Omari a fait partie de la délégation qui s’est rendue, le 6 décembre 2022, à la Cour pénale internationale de La Haye, pour dénoncer un crime de guerre.
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