Faute d’avoir réussi à faire voter son budget pour 2025, mardi 15 avril, le conseil départemental de la Charente sera mis sous tutelle préfectorale dès mercredi. A la fin du mois de mars, un projet de budget d’un montant de 615 millions d’euros avait été retoqué lors d’un premier vote, du fait notamment de l’abstention d’un groupe de six élus de la majorité de gauche qui avaient fait scission, après des mois de dissensions politiques au sein de l’assemblée de ce territoire de quelque 350 000 habitants.
L’exécutif, présidé par Philippe Bouty (divers gauche), avait dès lors jusqu’à mardi pour présenter une nouvelle copie et la faire voter, sous peine de voir le préfet prendre la main sur les finances départementales en saisissant la chambre régionale des comptes (CRC). Mais à 20 heures, le quorum n’avait pas été atteint pour que l’assemblée se tienne, les élus de l’opposition et le groupe sécessionniste n’étant pas venus siéger. « Nous n’avons pas le quorum et nous rendons les clés à la CRC. C’est un précédent sans équivalent. Ce soir, la Charente sera le seul département à ne pas avoir de budget », a déclaré devant la presse le président du département, qui emploie quelque 2 000 agents.
Il a déploré une « tentative de putsch » de la part des élus de droite et de la sénatrice PS Nicole Bonnefoy, l’une des six élus de gauche à avoir boycotté la séance après s’être abstenus fin mars. Philippe Bouty, qui avait fait basculer le département à gauche en 2021 avec un seul canton d’avance, a rapidement vu sa majorité de gauche plurielle se fissurer, ses critiques lui reprochant des « annonces intempestives » et des « comportements parfois inadéquats ». « Ce n’est pas un problème de personne mais de dysfonctionnements depuis des années, devenus inacceptables à la longue », a fait valoir Mme Bonnefoy, accusée par des élus restés dans la majorité de convoiter la tête de l’exécutif.
Le groupe des sécessionnistes et l’opposition, emmenée par le centriste Jérôme Sourisseau, qui a présidé le conseil départemental en 2020-2021, réclament la démission de M. Bouty depuis sa mise en minorité fin mars, mais ce dernier s’y refuse. « Le préfet va saisir la CRC » de Nouvelle-Aquitaine, a confirmé la préfecture à l’Agence France-Presse, en précisant que cette saisine interviendrait mercredi.
L’instance régionale de contrôle financier aurait alors un mois pour élaborer un nouveau projet de budget et le transmettre au préfet, qui disposerait ensuite d’un délai de vingt jours pour le faire exécuter en l’état, avec la possibilité d’y apporter des modifications motivées. « Une situation très exceptionnelle pour un département », même s’il « n’y aura pas de shutdown » à l’américaine, avait souligné au début d’avril le président de la CRC, Vincent Léna, dans une interview à Charente libre.