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Linguiste internationalement reconnue pour son analyse des discours politiques d’extrême droite, Ruth Wodak se trouve, ce 18 septembre, sur la Reumannplatz, en plein cœur de Favoriten, l’arrondissement le plus populaire et le plus métissé de Vienne, pour faire campagne pour le Parti social-démocrate autrichien (SPÖ). « Je me suis dit qu’il fallait tout faire pour éviter la forteresse Autriche », explique la dynamique septuagénaire en référence au slogan anti-immigrés du Parti de la liberté d’Autriche (FPÖ, extrême droite), qui promet d’« arrêter le droit d’asile », et que les sondages donnent en tête pour les élections législatives organisées dimanche 29 septembre dans le pays.

Face à l’allemand hésitant de nombreux étrangers, qui n’ont de toute façon pas le droit de vote, et à quelques hommes avachis sur leur banc et visiblement sous l’emprise de stupéfiants, les tracts que cette figure intellectuelle de la gauche autrichienne a imprimés de son propre ordinateur suscitent un intérêt modéré. « Le plus incroyable, ce sont les personnes issues de l’immigration polonaise ou d’ex-Yougoslavie qui m’ont dit qu’eux étaient des braves travailleurs et qu’ils ne veulent pas de Syriens parce que ce sont des musulmans », déplore-t-elle, en essayant malgré tout de mettre en avant le programme du SPÖ, « qui promet plus d’argent pour l’éducation et pour faciliter l’intégration » des étrangers.

La scène est caractéristique des difficultés de la social-démocratie autrichienne, comme de celles de tant de ses homologues en Europe, à sortir du piège de la question migratoire. Située à vingt minutes à pied de la gare principale de Vienne et à cinq stations de métro de l’emblématique cathédrale Sainte-Etienne, la Reumannplatz, aux habitants issus de plus de cent pays du monde, n’a rien d’une « no-go zone », avec les nombreuses familles qui s’y promènent, ses grands espaces verts et son glacier, le plus célèbre de la capitale autrichienne.

Ruth Wodak, professeure de communication, campagne pour le Parti social-démocrate autrichien (SPÖ), à Vienne (Autriche), le 18 septembre 2024.

Issus de l’ancien bloc communiste

Il n’empêche que les lieux sont devenus pour beaucoup d’électeurs autrichiens, surtout dans les zones rurales, le symbole du fait que leur pays n’a toujours pas digéré la crise des migrants de 2015. Au printemps, des bandes de jeunes d’origine syrienne et tchétchène s’y sont affrontées plusieurs fois au couteau, faisant mentir la légendaire tranquillité de l’ancienne capitale des Habsbourg. Le chef du FPÖ, Herbert Kickl, s’est appuyé sur ces faits pour dénoncer l’« islamisation qu’on observe depuis 2015 » et exciter la peur du « grand remplacement », cette théorie complotiste et raciste inventée par les milieux identitaires, qui consiste à dire que les musulmans vont bientôt remplacer les populations « blanches » et chrétiennes.

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