Il paradait, en pleine campagne présidentielle il y a un peu plus d’un an, une immense coupure de 100 dollars – une représentation à son effigie – brandie au-dessus de sa tête. L’ultralibéral Javier Milei est arrivé au pouvoir en décembre 2023 avec la promesse de dollariser l’économie, une mesure « hyperfacile », assurait-il, consistant à remplacer totalement le peso, alors comparé à de l’« excrément », par le billet vert. Il s’agissait de terrasser l’inflation (193 % en octobre sur un an), mal endémique argentin, en faisant table rase du passé et de son peso, coupable d’attiser la défiance et incapable de conserver une valeur stable. Un engrenage alimentant la hausse des prix.
Un an plus tard, le billet vert n’a pas remplacé le peso. M. Milei a préféré à une dollarisation à marche forcée – et sa promesse corollaire, la « destruction » de la banque centrale – une série de mesures dérégulatrices de l’économie. Parmi celles-ci, un « mégadécret » annoncé en décembre 2023 (plus de 300 mesures) puis un vaste projet approuvé en juin (plus de 200 articles), englobant, entre autres, la fin de l’encadrement des loyers, l’assouplissement du régime d’investissement ou encore la possibilité de privatiser diverses entreprises.
Ce n’est pas qu’une question de priorités. Si M. Milei n’a pas remplacé le peso aussi vite qu’il le voulait, c’est parce que les dollars font défaut. Fin 2023, les réserves nettes de la banque centrale se situaient dans le rouge (environ – 11,5 milliards de dollars, soit 10,9 milliards d’euros, selon les cabinets privés). Depuis, leur niveau s’est amélioré. Mais il demeure négatif, à environ – 5 milliards de dollars, selon une estimation du cabinet privé Abeceb.
M. Milei édulcore ainsi sa proposition phare. Il entend désormais encourager une forme de dollarisation spontanée, à savoir menée par les Argentins eux-mêmes, au quotidien. « Avec l’avancée de la dollarisation endogène, il va y avoir un moment où les opérations en dollars vont être très importantes, et en pesos, très petites, et quand nous serons arrivés à cette situation nous serons en condition de fermer la banque centrale, et les politiques ne pourront plus jamais vous arnaquer avec l’impôt inflationniste », expliquait M. Milei à un parterre d’entrepreneurs, le 18 octobre, lors du colloque annuel du gotha argentin des affaires, IDEA, à Mar del Plata (environ 420 kilomètres au sud de Buenos Aires).
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