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Chez Gozem, on l’affirme avec aplomb : les modèles de cette start-up, lancée en 2018 au Togo pour la réservation de motos-taxis, s’appellent Grab et Gojek. Deux « super-applications » nées il y a plus d’une décennie en Asie du Sud-Est et qui comptent chacune aujourd’hui plusieurs dizaines de millions d’utilisateurs mensuels. La jeune pousse togolaise entend bien copier la recette de ces gigantesques plateformes digitales qui ont bâti leur succès en proposant une kyrielle de services, du transport à la banque mobile, en passant par la livraison.

Réaliste, Gozem ? « On fait comme eux, en réadaptant à la sauce africaine », revendique le Franco-Suisse Raphaël Dana, l’un des cofondateurs, en rappelant que l’indonésienne Gojek a également débuté avec les deux-roues. Gozem ne rassemble encore que 270 000 clients uniques actifs. Mais depuis sa création, elle s’est étendue au Bénin, au Gabon, au Cameroun, et devrait arriver bientôt au Congo-Brazzaville.

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En parallèle, elle n’a cessé d’ajouter de nouveaux services : transport en voitures et tricycles avec chauffeur, financement de véhicules, livraison de nourriture ou de gaz, vente de tickets pour des évènements… Le tout proposé à travers une application unique.

Une nouvelle étape doit être franchie en mars avec le lancement de Gozem Money. Cette solution d’argent mobile permettra à ses usagers – au Togo d’abord puis dans les autres pays – de transférer et recevoir de l’argent, régler des factures ou encore payer des commerçants. Selon Raphaël Dana, les marchés ciblés par la start-up sont un tremplin idéal pour ses ambitions. Petits sans doute, et donc largement inexplorés par les acteurs du numérique.

« Devenir le WeChat africain »

« Moins le marché est développé, plus il y a de chances de succès, assure l’entrepreneur. On se positionne sur des services pour lesquels il n’y a, souvent, presque aucun concurrent » De quoi espérer s’imposer comme le point d’entrée technologique incontournable du quotidien, bref « la super app de l’Afrique », comme Gozem le proclame en anglais sur son site Internet.

Cet objectif, la société est toutefois loin d’être la seule à le poursuivre, comme en témoigne le développement foisonnant des applications multiservices à l’échelle du continent. Les entreprises à la manœuvre sont des « fintech » comme la nigériane OPay, des plateformes d’e-commerce comme Jumia, et plus encore des opérateurs télécoms.

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Parmi eux, le français Orange déploie depuis fin 2023 son application Max It. Proposant du paiement mobile avec son service Orange Money, de l’achat de crédit téléphonique mais aussi de la télévision en streaming ou du shopping en ligne, celle-ci est désormais disponible dans quatorze pays. Et le sera dans les dix-sept où le groupe est présent sur le continent d’ici à la fin de l’année.

« On voudrait bien devenir le WeChat africain », assume Brutus Diakité, le directeur des plateformes numériques d’Orange Moyen-Orient et Afrique, en référence au réseau social chinois devenu progressivement une méga-application à tout faire. Le groupe français s’est d’ailleurs associé à Tencent, la maison mère de WeChat, pour bénéficier de son expertise technologique et pouvoir intégrer à Max It une myriade de mini-apps développées par des dizaines de partenaires. Celles-ci doivent fournir une batterie de nouveaux contenus et fonctionnalités aux utilisateurs de la plateforme. « L’idée, complète M. Diakité, est d’être un “one stop shop” qui permet de trouver tout ce dont on a besoin au même endroit. »

« Fidéliser les clients »

Orange ne part pas le premier. La plupart de ses concurrents ont déjà lancé leur propre « super-app » ces dernières années : Vodacom, la filiale africaine du britannique Vodafone, avec Vodapay ; Safaricom avec M-Pesa en Afrique de l’Est ; Ayoba pour le sud-africain MTN… « Le but est de fidéliser les clients : plus l’offre sera vaste, moins ils seront tentés de changer d’opérateur ou de service de paiement mobile à la minute où les prix baissent – ce qu’ils font beaucoup aujourd’hui », détaille Jean-Michel Huet, du cabinet de conseil Bearing Point.

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La bataille risque néanmoins d’être rude pour réussir à grossir à la façon d’une « super-app » asiatique. En Afrique, les plateformes s’affrontent sur un continent composé de cinquante-quatre pays qui forment autant de marchés étroits aux cadres réglementaires variés. S’y ajoutent le coût élevé des données pour des populations aux revenus contraints et une connectivité encore faible.

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Mais le continent se numérise à grande vitesse via le mobile. Au sud du Sahara, un téléphone sur deux est désormais un smartphone et le taux de pénétration devrait dépasser 80 % d’ici à la fin de la décennie selon GSMA, l’association internationale des opérateurs télécoms. Ces appareils sont le vecteur privilégié de l’accès à Internet – loin devant les ordinateurs et les tablettes – et servent de plus en plus pour payer son électricité, demander un crédit ou s’adonner aux jeux vidéo. Autant de déclinaisons possibles pour les « super-applications » en devenir du continent.

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