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C’est un come-back que personne n’avait vu venir. Le 25 juin, le premier juge destitué de l’histoire de l’Afrique du Sud démocratique, John Hlophe, a prêté serment comme député. Il sera le chef de groupe à l’Assemblée nationale du dernier parti apparu sur la scène la politique locale, uMkhonto we Sizwe (MK), la formation de Jacob Zuma. Une nomination qui donne le ton : à ses côtés, les figures sulfureuses de l’entourage de l’ancien président, accusé de corruption, constituent le noyau dur de ce qui est désormais le premier parti d’opposition en Afrique du Sud.

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« Nous ne sommes pas des hooligans », s’est défendu John Hlophe au moment de son investiture. « Nous allons nous impliquer de manière très ferme et respectueuse. Mais ne vous y trompez pas, nous n’allons pas nous laisser intimider par qui que ce soit », a poursuivi celui qu’il convient officiellement d’appeler « honorable membre ».

John Hlophe n’a pas été élu. Contrairement à la France, en Afrique du Sud, les électeurs votent pour des partis qui constituent des listes de personnes appelées à occuper ou non l’un des 400 sièges de l’Assemblée nationale en fonction de leur score dans les urnes. Au moment des élections du 29 mai, John Hlophe ne figurait d’ailleurs même pas sur la liste du MK. Il y a fait une apparition surprise au dernier moment, un point qui interroge sur la légalité de sa nomination.

« Faute grave »

Quoi qu’il en soit, son retour sur le devant de la scène sonne comme une revanche sur le Parlement qui l’avait démis de ses fonctions en février. Quatre mois plus tard, il devient l’une des figures centrales de l’institution et pourrait même siéger au sein de la commission des services judiciaires qui a précipité sa chute en le reconnaissant coupable de « faute grave », ouvrant la voie à sa destitution.

Après plus de dix ans de procédure, le magistrat a été reconnu coupable d’avoir interféré auprès de deux juges de la Cour constitutionnelle pour tenter d’obtenir, sans succès, une décision favorable à Jacob Zuma dans une affaire de corruption en 2008. « Sa conduite a gravement menacé et porté atteinte à l’indépendance, à l’impartialité, à la dignité et à l’efficacité de la Cour constitutionnelle », a estimé un tribunal en 2021.

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La destitution de John Hlophe a scellé la disgrâce de celui qui fut en 1995 le premier juge noir de province du Cap occidental, puis le plus jeune Sud-Africain à présider une division provinciale de la Haute Cour sud-africaine. Un prestige rapidement obscurci par les controverses. En 2007, il s’illustre en réclamant une Porsche Cayenne comme voiture de fonction, au lieu des réglementaires BMW ou Mercedes accordées aux juges de son rang. Il a également été soupçonné d’impartialité et s’est distingué en traitant un avocat de « merde blanche » qui devrait « retourner en Hollande ».

« Capture d’Etat »

A ses côtés sur les bancs de l’Assemblée nationale sud-africaine, on retrouvera également un certain Des van Rooyen. En 2015, la nomination de cet inconnu au poste de ministre des finances par Jacob Zuma a suscité un tel chaos sur les marchés financiers qu’il fut remercié trois jours plus tard pour arrêter l’effondrement du Rand, la monnaie sud-africaine. L’épisode constitue l’un des sommets de ce que l’Afrique du Sud a nommé « la capture d’Etat », ou l’ère de corruption massive qui a marqué le mandat de Jacob Zuma entre 2009 et 2018.

D’après la commission d’enquête qui s’est penchée sur cet épisode sombre, Des van Rooyen aurait été nommé au poste afin de remplacer un ministre respecté qui résistait aux manœuvres des frères Gupta, accusés d’avoir pillé les coffres de l’Etat sud-africain avec la bénédiction Jacob Zuma. Le soir de la nomination, un haut fonctionnaire du Trésor public a témoigné avoir reçu un appel d’un poids lourd de l’ANC le prévenant de l’arrivée d’« un ministre des Gupta ». Le limogeage précipité de Des van Rooyen marquera l’échec de la fratrie d’origine indienne à prendre le contrôle du ministère des finances.

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Autre figure de proue du parti au Parlement, la fille de Jacob Zuma, Duduzile Zuma-Sambudla, qui fait son entrée en politique. Outre ses posts sur les réseaux sociaux dans lesquels elle affiche ses voyages en jet privé et s’applique à glorifier la Russie, la fille de Jacob Zuma est connue pour son rôle dans la semaine d’émeutes qui ont suivi l’arrestation de son père en juillet 2021, après sa condamnation à quinze mois de prison pour outrage à la justice.

Pendant plusieurs jours, alors que le pays traverse les pires violences depuis la fin de l’apartheid, elle relaie les vidéos des pillages en multipliant les encouragements à destination des émeutiers dans des posts accompagnés du mot-dièse #FreeJacobZuma (« libérez Jacob Zuma »).

« Groupe des progressistes »

Au sein de l’Assemblée nationale, les 58 députés de la formation uMkhonto we Sizwe (MK) se sont rapprochés d’autres partis d’opposition pour former le « groupe des progressistes ». Loin de la définition traditionnellement acceptée du terme, le MK souhaite redonner du poids aux chefs traditionnels dans la gestion du pays ou revenir sur la loi autorisant le mariage homosexuel.

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Le jour de son investiture, John Hlophe a également signalé que son parti souhaitait « africaniser » les lois. « Ce que nous entendons par là, c’est que nous voulons ramener les lois qui gouvernaient les peuples africains et l’une de ces lois stipule que les terres d’Afrique ne peuvent pas faire l’objet d’une propriété privée. La terre appartient à la nation », a précisé le nouveau chef de groupe parlementaire.

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Jacob Zuma lui-même n’a pas été autorisé à être candidat à un poste de député en raison de sa condamnation. Mais il a fort à faire pour mettre de l’ordre dans une formation sous tension. Après la mise à l’écart du fondateur du parti Jabulani Khumalo, son secrétaire général, Arthur Zwane, a annoncé sa démission, le 1er juillet, officiellement en raison d’un « volume de travail (…) au-delà [ses] limites ». Mais, d’après le parti, « des conflits internes et des allégations de mauvaise gestion ont nécessité son renvoi ».

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