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Histoires Web dimanche, octobre 20
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Les règles, c’est comme Voldemort, il ne faut jamais prononcer leur nom. « J’ai mes ours, les Anglais débarquent, écraser les tomates… Vous en avez d’autres, des comme ça ? », interroge Alice Bié. Des planches de la Comédie des 3 bornes (Paris 11e), où elle interprète jusqu’à janvier 2025 le seule-en-scène Chattologie, pensé comme une conférence humoristique « en rage » sur les règles, l’actrice invite son public à rallonger la liste de ces formules paravents qui désignent les menstruations. « Aller au Festival de Cannes ! », risque une spectatrice dans un souffle amusé. A la comédienne de rebondir, séduite : « Pas mal, rapport au tapis rouge… »

Voilà sept ans que ce spectacle écrit par l’autrice féministe Louise Mey sillonne la France. L’objectif ? « Prendre crûment la parole, autour d’un sujet qu’on nous a longtemps appris à n’évoquer qu’à demi-mot. Avec gêne, voire honte », pose Alice Bié. C’est donc en jonglant avec une ironie débridée que, sous les projecteurs, notre interlocutrice évoque la non-gratuité des produits hygiéniques, ainsi que le projet de loi sur le congé menstruel déposé au Parlement en 2023, resté au point mort. Egalement dans son viseur, la précarité menstruelle, qui touchait 4 millions de Françaises en 2023, selon l’association Règles élémentaires. Autant d’enjeux que l’interprète n’aurait « jamais imaginé » aborder avec une liberté de ton si explosive « quinze ans auparavant ». Même si l’usage du registre comique par les activistes menstruelles s’inscrit dans une certaine tradition militante.

« En 1978, déjà, la féministe Gloria Steinem mobilisait la satire avec Si les hommes avaient leurs règles. Un texte qui brossait une inversion des rôles fictive, dans laquelle la gent masculine menstruée tirait gloriole de la “puissance” de ses flux », contextualise la chercheuse Jeanne Guien. Avant de souligner, parmi le répertoire d’actions des activistes, la récurrence de happenings mobilisant l’humour. « Dans les années 1990-2000, des femmes vêtues de rouge dansaient à la façon de pom-pom girls, sur des paroles évoquant les règles », précise-t-elle. Un moyen de dédramatiser et de se réapproprier un phénomène naturel « sur lequel l’industrie menstruelle a jeté l’opprobre à grand renfort de campagnes de la peur ».

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Des discours épouvantails propagés à partir des années 1920 et dont les accents hygiénistes « perdurent jusqu’à aujourd’hui », dénonce l’autrice d’Une histoire des produits menstruels (Divergences, 2023) : « Même si le ton des pubs est moins menaçant qu’autrefois – en empruntant à l’humour ou au thème de l’empowerment –, les règles y sont encore présentées à la manière d’inconvenances dont il faudrait neutraliser d’urgence toute manifestation visuelle, sensorielle et olfactive. » En consommant des protections marketées comme autant de solutions miracles, donc.

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