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Histoires Web dimanche, septembre 8
Bulletin

Professeur d’histoire à la New School for Social Research de New York, Eli Zaretsky étudie l’histoire de la pensée, de la famille et du capitalisme à l’époque contemporaine. Il a consacré plusieurs livres à l’histoire de la psychanalyse, dont Secrets of the Soul (Knopf, 2004), traduit en français sous le titre Le Siècle de Freud. Une histoire sociale et culturelle de la psychanalyse (Albin Michel, 2008) et Political Freud : A History (Columbia University Press, 2017), non traduit.

Vous écrivez dans Le Siècle de Freud : « La psychanalyse a irréversiblement transformé la façon dont les hommes et les femmes ordinaires à travers le monde se voient et dont ils se comprennent les uns les autres. » En quoi a consisté, selon vous, cette révolution freudienne ?

La psychanalyse fut bel et bien une révolution. Une révolution très profonde, qui se perpétue encore aujourd’hui. Elle a permis aux gens de mieux se comprendre, en les incitant à prendre en compte leur vie ­intérieure, leur propre expérience. Nous l’avons toujours su, certes, grâce à la littérature notamment, mais la psychanalyse a été un moyen d’élargir notre compréhension de ce monde intérieur. Grâce à elle, les gens ont pu mieux prendre conscience de leur responsabilité, mais aussi de l’endroit où elle s’arrête, là où elle trouve ses limites au sein de chaque individu. C’est en ce sens que je parle de ­révolution psychanalytique.

Vous insistez toutefois sur le fait que l’on ne comprend rien à la naissance de la psychanalyse à la fin du XIXe siècle si on l’isole de l’histoire de la pensée moderne. C’est dans cette perspective que vous analysez la relation qu’entretient la psychanalyse avec la pensée des Lumières et ses « promesses émancipatrices ».

Je pense que la psychanalyse entretient un rapport complexe avec les « promesses » du XVIIIe siècle : la promesse de l’autonomie ­individuelle, celle de la démocratie et celle de l’émancipation des femmes. Toutes ces ­promesses, la psychanalyse les a approfondies et compliquées à la fois.

Cet article est tiré du « Hors-Série Le Monde – Une vie, une œuvre : Sigmund Freud », juillet-août 2024, en vente dans les kiosques ou par Internet en se rendant sur le site de notre boutique.

Prenons l’exemple de l’autonomie individuelle. Pour les hommes du XVIIIe siècle, l’individu autonome était celui qui pensait et décidait de sa vie librement, celui qui ­s’affranchissait de ses origines et de sa condition socio-économique. L’autonomie était alors comprise comme l’autonomie morale d’un individu rationnel. Or la psychanalyse a montré que la conquête de l’autonomie était aussi une affaire personnelle, autrement dit que tout ne se joue pas dans la relation entre l’individu et la société, mais plus fondamentalement au sein même de la relation que chacun entretient avec soi-même.

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