Le ministre de l’économie, Eric Lombard, réunit jeudi 20 mars à Bercy, avec le ministre des armées, Sébastien Lecornu, des investisseurs et des entreprises de défense, pour réfléchir aux meilleures façons pour les premiers de financer les seconds, quelque 5 milliards d’euros étant nécessaires au secteur pour monter en cadence dans le cadre de l’effort national de défense.
L’événement sera surtout, explique Bercy, « un point de départ » du dialogue à venir sur le financement prochain de la défense. Il s’inscrit dans le cadre d’une semaine dévolue à l’effort de défense. Mardi, le premier ministre, François Bayrou, a rencontré la présidente de la Banque européenne d’investissement (BEI), Nadia Calviño, évoquant avec elle cette question.
« Les entreprises auront besoin à peu près de 5 milliards de fonds propres, de capitaux nouveaux, d’argent des investisseurs publics et privés afin d’augmenter les chaînes de production et de se développer », a annoncé jeudi matin sur TF1 Eric Lombard. « Ce sera de l’argent public de [la banque publique d’investissement] Bpifrance, de la Caisse des dépôts, de l’Etat, mais nous avons besoin d’argent privé » également, a détaillé le ministre.
Un nouveau fonds lancé par Bpifrance
Il a annoncé que Bpifrance allait lancer un nouveau fonds de 450 millions d’euros : les Français pourront ainsi « pour 500 euros devenir indirectement actionnaires des entreprises du secteur de la défense » et par ces « tickets de 500 euros » minimum « placer leur argent sur du long terme », via un capital « bloqué pendant au moins cinq ans ». « C’est très important d’associer l’ensemble des Françaises et Français à cet effort, ce seront des bons placements. Les grands réseaux bancaires et d’assurances vont mettre à disposition d’autres fonds purement privés pour que ceux qui le veulent, sur une base de volontariat », puissent participer, a résumé Eric Lombard.
La nouvelle situation, engendrée par l’évolution de la position américaine vis-à-vis de l’Ukraine et la menace russe, « exige une accélération de notre armement », a de son côté souligné Matignon en amont de cette réunion.
La « base industrielle et technologique de défense » (BITD) française comporte neuf grands groupes, comme Dassault Aviation, Safran, Thales ou Airbus, mais aussi 4 000 PME et entreprises de taille intermédiaire (ETI), dont mille sont stratégiques.
« Pas de nouveau quoi qu’il en coûte »
Jeudi, certains acteurs financiers devraient prendre position en faveur d’un soutien à ces entreprises, « et l’idée est d’entraîner les autres dans leur sillage », dit-on au gouvernement.
De son côté, le gouverneur de la Banque de France, François Villeroy de Galhau, a estimé jeudi matin sur BFM-TV/RMC qu’« il ne [pouvait] pas y avoir de nouveau quoi qu’il en coûte. Il y a un effort légitime, mais il doit être mesuré, il doit être financé ». « Je crois qu’il faut un effort de défense. Ce n’est pas à moi de décider de sa taille, mais il est légitime pour que l’Europe retrouve la maîtrise de son destin militaire mais aussi économique », a-t-il affirmé.
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Pour le gouverneur, la réunion de jeudi à Bercy répond à « une première question : “qui va prêter au début aux industries de défense ?”». « Mais la question plus difficile qui viendra ensuite (…) c’est : “Qui va payer à la fin ?” », a poursuivi François Villeroy de Galhau. « Et là, la réponse est malheureusement claire, c’est forcément de la dépense publique : il n’y a que l’Etat qui puisse acheter le matériel militaire, ou payer la solde des militaires, etc. », a souligné François Villeroy de Galhau, pour qui cette équation « pose de façon encore plus aiguë la question de la reprise de contrôle de nos finances publiques et de nos déficits ».
Evolutions des doctrines
Le secteur financier est souvent réticent à investir dans la défense. Les banques, fonds d’investissement ou assureurs sont en effet particulièrement sensibles aux « risques ESG » (environnementaux, sociaux et de gouvernance) dans leurs investissements. Des évolutions de doctrine pourraient être annoncées jeudi.
Mercredi, France Assureurs, la fédération des assureurs français, a assuré que ceux-ci étaient « prêts à prendre toute leur part dans l’effort de réarmement du pays ». De même, les six grandes banques regroupées dans la Fédération bancaire française se sont dites mardi « pleinement mobilisées pour financer les besoins attendus du secteur ».
Pour aider la BITD, le ministère des armées sera aussi « particulièrement exigeant », dans le contexte actuel, sur le fait que les grands industriels déclinent bien les commandes et les paiements passés par l’Etat vers leurs sous-traitants.
Jeudi après-midi, MM. Lombard et Lecornu doivent se rendre à Bergerac chez le fabricant de poudre et d’explosifs Eurenco, et M. Bayrou est attendu vendredi pour une visite à l’usine de fabrication de canons KNDS à Bourges.
L’Union européenne tout entière est mobilisée sur la défense depuis le début du mois : mercredi, elle a donné le coup d’envoi d’un vaste plan visant à réarmer le continent d’ici à 2030, doté de 800 milliards d’euros.