Mark Carney a annoncé la couleur. Alors que la tradition veut que les premiers ministres canadiens se rendent aux Etats-Unis pour leur premier séjour à l’étranger, il a plutôt choisi de s’envoler pour « les vieux pays », comme on les appelle au Québec. En France, tout d’abord, clamant devant Emmanuel Macron, le 17 mars, que « le Canada est le pays non européen le plus européen », puis au Royaume-Uni. « Son vol incluait aussi un arrêt dans l’Arctique canadien, durant lequel il a parlé aux Premières Nations. Il a vraiment voulu montrer qu’en temps de crise il souhaitait parler avant tout aux “peuples fondateurs” du Canada », observe Roland Paris, ancien conseiller en politique étrangère de l’ex-premier ministre canadien Justin Trudeau.
Le moment ne saurait être plus stratégique pour étoffer les relations entre le Canada et les deux pays qui l’ont colonisé. Ottawa a le plus souvent joué les figurants dans les relations transatlantiques, au regard de l’importance des liens européens avec les Etats-Unis. Mais désormais Washington, qui souffle le chaud et le froid sur le commerce mondial et qui lorgne la frontière canadienne, n’est plus considéré comme un allié infaillible. Il est « plus important que jamais pour le Canada de renforcer ses liens avec des alliés fiables, comme la France », a déclaré Mark Carney le 17 mars. A Paris comme à Londres, le Canadien, premier non-Britannique à gouverner la Banque d’Angleterre (2013-2020), se sent comme à la maison, même si le soutien des deux alliés historiques du Canada face aux assauts américains reste timide, par peur de froisser l’encombrant voisin.
Dans la vie politique canadienne comme dans la société, cette volonté de retrouvailles avec l’Europe se fait sentir. Pour le Canada, se détacher des Etats-Unis revient à tenter de se redéfinir, par (une partie de) ses racines historiques, et à dessiner les contours d’un « patriotisme canadien » peu brandi avant cette guerre commerciale. Mi-sérieux mi-souriant, le premier ministre démissionnaire Justin Trudeau avait déclaré à CNN le 9 janvier au sujet de l’identité canadienne : « L’une des façons les plus simples de se définir est de dire que nous ne sommes pas américains. »
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