A la veille de l’entrée en vigueur de droits de douane américains sur l’acier et l’aluminium, Donald Trump a annoncé, mardi 11 mars, sur son réseau Truth Social, porter de 25 % à 50 % les taxes qui s’appliqueront dès mercredi aux matériaux canadiens. De plus, « le Canada doit immédiatement laisser tomber ses taxes antifermiers américains de 250 % à 390 % sur divers produits laitiers américains », a réclamé le président américain, ajoutant que si Ottawa n’obtempérait pas, Washington imposerait le 2 avril de telles taxes douanières sur les voitures que cela « mettra à l’arrêt définitivement l’industrie automobile au Canada ».
Le futur premier ministre canadien, Mark Carney, a réagi en promettant que la riposte de son gouvernement face aux annonces de M. Trump aurait « un impact maximal sur les Etats-Unis et un impact minimal sur le Canada ». « Nous maintiendrons nos tarifs jusqu’à ce que les Américains nous montrent du respect et prennent des engagements crédibles et fiables en faveur d’un commerce libre et équitable », a écrit sur le réseau social X M. Carney. Dans la foulée, Donald Trump a, comme plusieurs fois déjà, affirmé qu’il allait « sans doute » revenir sur ces doits de douane supplémentaires.
Dans un autre message posté le même jour, sur le même réseau social, Donald Trump s’en prenait aussi aux taxes supplémentaires imposées par la province canadienne de l’Ontario sur l’électricité exportée vers les Etats-Unis : « Pouvez-vous imaginer que le Canada s’abaisse assez bas pour utiliser l’électricité, qui affecte la vie de personnes innocentes, comme un jeton de négociation et une menace ? » « Ils vont payer un prix si élevé que cela figurera dans les livres d’histoire pour de nombreuses années à venir », avait-il ajouté.
Le premier ministre de l’Ontario reçu à Washington jeudi
Mardi soir, après une discussion « productive » avec le ministre du commerce américain, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a annoncé la suspension de sa surtaxe de 25 % sur l’électricité exportée vers trois Etats américains. Le ministre américain Howard Lutnick a accepté « de rencontrer officiellement » M. Ford à Washington jeudi pour « discuter d’un renouvellement » de l’accord de libre-échange Canada-Etats-Unis-Mexique (Aceum) avant la date limite du 2 avril, moment où les droits de douane « réciproques » doivent entrer en vigueur, selon un message de M. Ford posté sur X.
S’emportant une nouvelle fois contre le voisin canadien, M. Trump avait par ailleurs encore estimé que la « seule chose sensée » à faire pour le pays était de devenir le « 51e Etat américain », ce qui mettrait fin de facto à la guerre commerciale. M. Carney avait déjà assuré dimanche soir dans un discours offensif que son pays « gagnerait » et « ne ferait jamais partie des Etats-Unis, de quelque façon que ce soit ». « Les Canadiens sont toujours prêts quand quelqu’un lance le gant. Que les Américains ne s’y trompent pas. Dans le commerce comme au hockey, le Canada gagnera », avait-il lancé dimanche soir, en référence à la rivalité sportive des deux pays, instrumentalisée récemment par Donald Trump.
L’intégration du Canada aux Etats-Unis « ferait complètement disparaître les taxes et tout le reste. Les tarifs douaniers canadiens seraient réduits de manière substantielle, [les Canadiens] seraient plus en sécurité, militairement et autrement, (…) et la nation la plus grande et puissante du monde serait plus grande, mieux et plus forte que jamais – et le Canada serait une part importante de cela », a encore écrit M. Trump sur son réseau Truth Social, qualifiant la frontière entre les deux pays de « ligne de séparation artificielle ».
Le Canada et le Mexique, voisins et cibles privilégiées

Il y a un mois, Donald Trump avait signé un décret imposant des droits de douane de 25 % sur l’acier et l’aluminium, « sans exception », prenant effet au 12 mars. « J’ai déterminé que les importations d’articles en acier (…) risquaient de détériorer la sécurité nationale », avait écrit le président dans son décret. Ces mesures devaient déjà affecter particulièrement le Canada, principal fournisseur d’acier et d’aluminium des Etats-Unis. Ces droits de douane « seraient totalement injustifiés », avait réagi François-Philippe Champagne, le ministre de l’industrie canadien, promettant une réponse « claire et mesurée ». Le Brésil, le Mexique et la Corée du Sud sont aussi d’importants fournisseurs d’acier.
Depuis son retour à la Maison Blanche, M. Trump agite la menace d’une guerre commerciale, en particulier avec ses voisins américains, le Canada et le Mexique. Jeudi, il avait par ailleurs encore suspendu l’essentiel des droits de douane qu’il avait annoncés sur les marchandises couvertes par l’Aceum, le traité de libre-échange qui régule les échanges commerciaux entre les deux pays, leur accordant jusqu’au 2 avril, et qualifiant sa relation avec la présidente mexicaine de « très bonne ». Le président américain avait annoncé 25 % de droits de douane le 1er février, sur les produits canadiens et mexicains, qui devaient être effectifs le lendemain, avant de les suspendre trente jours à la suite de négociations avec les deux voisins des Etats-Unis. Il avait justifié ces mesures protectionnistes par le manque d’implication du Canada et du Mexique dans la lutte contre le trafic de fentanyl, un puissant opioïde qui provoque une crise sanitaire majeure aux Etats-Unis.
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L’ancien promoteur immobilier n’a de cesse de clamer son « amour » pour les droits de douane qui, selon lui, doivent permettre à la fois de rapatrier des usines aux Etats-Unis et de réduire le déficit, quitte à causer des « perturbations » financières passagères. Cet « âge d’or » protectionniste vanté par le milliardaire convainc de moins en moins les investisseurs, qui spéculent désormais sur une récession aux Etats-Unis, chose impensable il y a quelques semaines à peine. Mardi, les indices vedettes de la Bourse de New York, le Dow Jones et le Nasdaq, continuaient de s’enfoncer après avoir subi de lourdes pertes lundi. « L’économie américaine ne peut pas se permettre de s’infliger une telle blessure au moment où les risques de récession augmentent », a critiqué sur le réseau social X l’économiste et ancien ministre des finances américain Lawrence Summers.
Certains pays tels que le Japon et l’Australie tentent pendant ce temps de négocier des exemptions aux droits de douane prévus mercredi sur tout l’acier et l’aluminium entrant aux Etats-Unis, quelle qu’en soit la provenance. La première puissance mondiale importe environ la moitié de l’acier et de l’aluminium qu’elle utilise, pour l’automobile, l’aviation, la pétrochimie ou les produits de consommation de base, comme les conserves. Si elle reste parmi les principaux producteurs mondiaux, l’industrie sidérurgique américaine est en perte de vitesse. Elle est en particulier confrontée à la concurrence venue d’Asie mais aussi du Canada, d’où proviennent 50 % de l’aluminium et 20 % de l’acier importés aux Etats-Unis, selon le cabinet EY-Parthenon.
Le président américain avait déjà taxé les importations d’acier et d’aluminium durant son premier mandat (2017-2021). Mais les droits de douane devant entrer en vigueur mercredi « vont plus loin en couvrant toute une gamme de produits transformés. Et le gouvernement renforce également leur application, en réduisant les possibilités de contournement en passant par des pays tiers », a souligné dans une note le chef économiste d’EY-Parthenon, Gregory Daco.