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La coïncidence est troublante. Le 21 novembre, l’administration des Etats-Unis a présenté un « plan de paix » pour mettre un terme à la guerre en Ukraine dont le point 26 prévoit « une amnistie totale » pour les actions de « toutes les parties impliquées dans ce conflit », mettant sur un pied d’égalité l’agresseur, Moscou, et l’agressé, Kiev. Selon ce plan favorable à la Russie, les deux camps doivent s’engager « à ne faire aucune réclamation, ni envisager aucune plainte à l’avenir ».

Une semaine plus tard, le 28 novembre, le président des Etats-Unis, Donald Trump, a annoncé son intention de gracier l’ancien président de droite du Honduras Juan Orlando Hernandez, condamné en 2024 à quarante-cinq ans de prison aux Etats-Unis pour narcotrafic.

Le 30 novembre, le premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, poursuivi pour corruption, a adressé une demande de grâce officielle au président Isaac Herzog, assurant que « la fin immédiate du procès contribuera grandement à apaiser les tensions et à promouvoir la réconciliation générale dont [Israël] a tant besoin ». Une telle grâce simplifierait surtout son avenir politique, à la veille d’élections législatives cruciales pour le devenir d’Israël et de la question palestinienne.

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Benyamin Nétanyahou met tout en œuvre, par ailleurs, afin d’éviter d’avoir à rendre des comptes pour le désastre sécuritaire qui avait permis les massacres du 7 octobre 2023, perpétrés par le Hamas. Plus de deux ans après, aucune commission d’enquête n’a été mise sur pied pour établir les responsabilités au niveau politique, contrairement à ce qui s’était passé après la guerre du Kippour en 1973 (commission Agranat) et après les massacres des camps de réfugiés palestiniens de Sabra et Chatila (commission Kahane), commis en septembre 1982, à Beyrouth, par des miliciens chrétiens libanais sous le regard de l’armée israélienne.

Le retour à un usage décomplexé de la force dans les relations internationales s’accompagne de revendications d’impunité qui étaient auparavant une caractéristique des régimes autoritaires ou faillis. Que des négociateurs américains puissent concevoir que la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine, et son cortège de crimes de guerre perpétrés quotidiennement contre les civils ukrainiens, s’achèvera sans la moindre mise en cause constitue une rupture brutale avec des décennies d’une lutte opiniâtre pour la justice.

Cette contagion de l’impunité accentue l’effritement de l’ancien ordre international fondé sur des règles. Les menaces qui pèsent sur la Cour pénale internationale (CPI) depuis les mandats d’arrêt lancés contre deux responsables israéliens, dont Benyamin Nétanyahou, pour la conduite de la guerre à Gaza, en sont une autre illustration. On retrouve à la manœuvre Donald Trump, prompt par ailleurs à demander que la justice de son pays ferme les yeux sur les agissements du premier ministre israélien. Sur décision du président des Etats-Unis, six juges et trois procureurs de la CPI ont été placés sous sanctions, dans une inversion orwellienne des valeurs.

Le prédécesseur démocrate de Donald Trump, Joe Biden, avait déjà terni son legs politique en accordant une grâce à des membres de sa famille, dont son fils, avant de quitter la Maison Blanche. Mais son actuel locataire a porté cette pratique à un niveau industriel, puisque près de 1 600 personnes en ont déjà bénéficié en moins d’un an. Cette profusion traduit un véritable affaissement démocratique qu’alimente le mépris du droit.

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Le Monde

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