Il y a quelques semaines, la société SAP, un géant allemand des logiciels, a annoncé qu’elle supprimait plusieurs de ses mesures d’inclusion et de diversité, parmi lesquelles l’objectif d’atteindre 40 % de femmes parmi ses employés. Elle se pliait ainsi à l’un des premiers décrets de Donald Trump « mettant fin à la discrimination illégale et rétablissant les opportunités fondées sur le mérite ». L’ambassade des Etats-Unis a également envoyé, fin mars, à certaines entreprises françaises une lettre leur intimant l’ordre de se conformer aux nouvelles normes. Doit-on y voir les prémices d’un tournant, voire d’un backlash [retour de bâton conservateur] qui risquerait de ramener les pays européens des décennies en arrière ? Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, doit-on craindre un retour au premier code Napoléon ?
Pour comprendre ce qui pourrait nous attendre, il est utile de nous référer à la bible de Donald Trump, le fameux Project 2025, conçu et publié par la Heritage Foundation en 2023. L’avant-propos détaille les principales promesses faites par le mouvement conservateur à l’Amérique. La première consiste à « restaurer la famille comme élément central de la vie américaine et protéger nos enfants ». Il s’agit de surmonter la crise de la famille due aux naissances hors mariage : « Le monde n’a jamais connu de société florissante, saine, libre et prospère où la plupart des enfants grandissent sans leurs parents mariés », affirme le texte (rappelons que c’est le cas d’environ 60 % des enfants en France). Parmi les termes à proscrire, outre « diversité », « équité » et « inclusion », figurent « égalité des sexes » et, parmi les mesures à déployer de la façon la plus déterminée, les politiques pro-vie. Dès l’élection de Donald Trump, les Etats-Unis ont ainsi signé la déclaration de consensus de Genève sur « la promotion de la santé de la femme et le renforcement de la famille », soutenue par 35 pays et directement dirigée contre le droit à l’avortement.
Derrière la promotion de la famille s’affichent donc à nouveau sans vergogne la remise en cause des droits des femmes et la tentative de mettre un coup d’arrêt aux politiques d’égalité menées aux Etats-Unis et dans les pays européens. N’oublions jamais combien la marche fut longue et les résistances nombreuses. Si le code civil français a pu décider que les femmes étaient incapables juridiquement (jusqu’en 1938 – il y a moins de cent ans…), qu’elles n’avaient pas le droit d’ouvrir un compte bancaire sans l’autorisation de leur époux (jusqu’en 1965) et qu’elles devaient obéissance à ce dernier, c’est aussi parce que des scientifiques, y compris « progressistes », avaient pu affirmer qu’au long du processus de civilisation le cerveau des hommes avait grossi pendant que celui des femmes rapetissait. Et si les Françaises n’ont pu obtenir le droit de voter qu’en 1944, c’est aussi parce qu’il s’est trouvé suffisamment d’hommes au Sénat pour penser qu’elles n’avaient pas le discernement nécessaire pour le faire.
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