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Histoires Web vendredi, juillet 5
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Repéré en 2006, après un mémorable Eugène Onéguine, de Tchaïkovski, présenté au Théâtre du Bolchoï, à Moscou, le metteur en scène et scénographe russe Dmitri Tcherniakov, 54 ans, s’est rapidement imposé sur les scènes internationales comme l’une des personnalités les plus passionnantes et inventives de sa génération.

Au Festival d’Aix-en-Provence, après un très controversé Don Giovanni, qui rebattait les cartes mozartiennes en 2010, une Carmen, de Bizet, telle thérapie de couple, en 2017, puis, en 2023, un subversif Cosi fan tutte des vieux amants, il revient avec un projet inédit : mettre en scène, en une seule soirée, sous forme de diptyque, les opéras de Gluck, Iphigénie en Aulide et Iphigénie en Tauride. Nous avons rencontré le Moscovite, le 11 juin, entre deux répétitions au Grand Théâtre de Provence.

Vous montez cette année votre quatrième production au Festival d’Aix-en-Provence. Quel rapport entretenez-vous avec ce lieu ?

Je suis d’abord venu à Aix en tant que spectateur du Don Giovanni, de Mozart, monté par Peter Brook, à la fin des années 1990. A l’époque, je n’avais pas encore mis en scène un seul opéra. En 2006, une mélomane russe m’a demandé de lui confier un enregistrement d’Eugène Onéguine. Montée au Bolchoï, la production n’avait pas encore été vue en Europe – elle le sera en 2008, au Palais Garnier, à Paris –, mais on en parlait, et j’ai appris ensuite que Bernard Foccroulle, l’ancien directeur d’Aix-en-Provence, était curieux de voir ce spectacle. Mais je pense que tout a commencé avec Gerard Mortier [alors directeur de l’Opéra de Paris], qui était venu assister à la première, avant de programmer la production à Paris. Entre les deux, j’ai été invité à Aix, en 2007, afin de discuter de futurs projets. Trois ans plus tard, j’y montai Don Giovanni. J’y suis revenu à intervalles réguliers, un rythme bouleversé par le Covid-19. C’est ainsi que, après Cosi fan tutte en 2023, je présente avec Gluck ce qui sera ma cinquantième mise en scène d’opéra.

Comment est né le projet de ce diptyque autour des deux « Iphigénie » que Gluck a composés à cinq ans d’intervalle, en 1774 et en 1779, et qui sont assez éloignés stylistiquement l’un de l’autre ?

C’est une proposition que j’ai faite à Pierre Audi quand il a été nommé directeur du festival, en 2018. Gluck a toujours fait partie de mon univers. Au début des années 1980, à Moscou, j’étais un adolescent fou d’opéra. C’était encore une époque très soviétique, le pays était fermé, et on connaissait très peu ce qui se passait en Europe. Le Bolchoï donnait alors Iphigénie en Aulide en russe, avec des danses et des chorégraphies très pompeuses. Mais cette production m’a marqué, et j’ai réussi à trouver, dans un magasin de seconde main, à Moscou, un 33-tours venu de RDA, enregistré dans les années 1970. C’était une version de la partition réorchestrée par Richard Wagner, chantée en allemand, avec Anna Moffo, Dietrich Fischer-Dieskau, Trudeliese Schmidt. Je l’ai écouté en boucle jusqu’à ce qu’il ne produise plus qu’un abominable grésillement. Je ne savais même pas qu’Iphigénie en Tauride existait.

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