C’est une étape importante dans la jurisprudence relative au « devoir conjugal » – un terme souvent invoqué en droit français bien qu’il ne figure pas dans le code civil. Dans un arrêt rendu jeudi 23 janvier, la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) sanctionne la France pour l’usage de cette notion et juge que le fait de refuser d’avoir des relations sexuelles avec son mari ne constitue pas une « violation grave ou renouvelée des devoirs et obligations du mariage ».
La cour donne ainsi raison à la requérante, une femme de 69 ans, qui l’avait saisie le 5 mars 2021. Mariée en 1984, cette dernière avait lancé une procédure de divorce en 2012, au terme de laquelle un divorce pour faute, à ses torts exclusifs, avait été prononcé, au motif qu’elle s’était soustraite au devoir conjugal. Par un arrêt du 7 novembre 2019, la cour d’appel de Versailles, soulignant « le refus continu opposé par l’épouse à partir de 2004 à des relations intimes avec son mari », considérait en effet que cela constituait « une violation grave et renouvelée des devoirs et obligations du mariage rendant intolérable le maintien de la vie commune ».
Après avoir épuisé toutes les voies de recours en France, la dame s’était tournée vers la justice européenne, soutenue par des associations féministes comme le Collectif féministe contre le viol. Elle dénonçait la méconnaissance de son droit au respect de la vie privée, consacré par l’article 8 de la CEDH. Evoquant une « vision archaïque du mariage », la requérante soulignait que son refus des relations intimes s’inscrivait dans un contexte de violences de la part de son époux et s’expliquait aussi par des problèmes de santé importants.
« Forme de violence sexuelle »
« La réaffirmation du devoir conjugal et le fait d’avoir prononcé le divorce pour faute au motif que la requérante avait cessé toute relation intime avec son époux constituent des ingérences dans son droit au respect de la vie privée, dans sa liberté sexuelle et dans son droit de disposer de son corps », tranche la décision, adoptée à l’unanimité des sept juges. La CEDH reconnaît donc le « préjudice moral certain » de la requérante.
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