« Dimanche, quand les résultats du premier tour sont tombés, on a trinqué à l’eau et on était heureux ! »

« Avec mon mec, Alex, on s’est dit que si le RN [Rassemblement national] gagnait ce dimanche [7 juillet] alors “yallah !”, on irait fêter ça avec les deux gosses, ma mère et ma tante dans mon restau préféré : le Royal Wok. Et pas n’importe lequel : celui de Guéret, dans la Creuse. C’est un buffet à volonté, et je n’en repars jamais tant que je n’ai pas envie de vomir ! Pour 20 euros, tu as tout de compris, même les boissons, et ça, ce n’est pas commun dans les buffets à volonté. Tu te sers tant que tu veux. Tu peux prendre 10, 20 litres de rosé, c’est gratos. Et puis, après le restau : direction Lilo Trésor, la salle de jeux de fou pour les enfants – chacun son paradis, hein !

Sauf qu’on n’ira nulle part. Parce que le Royal, il est à une heure et demie de bagnole, et nous, on vit à Ussel, en Corrèze. Donc, pour y aller, faut du gazole, et on n’a plus les sous. Et le restau aussi, faut pouvoir se le payer, et bah, on ne peut pas. Dimanche, quand les résultats du premier tour sont tombés, on a trinqué à l’eau et on était heureux !

C’est ça notre plus gros problème, l’argent. Comme tout le monde, quoi. Ras le cul de toujours compter. Et pourtant, on bosse. Alex, il travaille au drive de Leclerc, il est debout à 5 heures du mat. Il gagne 1 400 euros net avec des primes et tout. Moi, j’ai enchaîné : réceptionniste, Domino’s Pizza, KFC, Leclerc. Et depuis février, je suis éleveuse de chihuahuas. Un chiot, ça vaut entre 650 et 900 euros. Et pourtant, le 5 du mois, on n’a plus de pognon. Il y a quelque chose qui cloche, quoi. C’est la survie. La lutte. Toujours. On vit dans un logement social, on va à l’épicerie sociale pour l’aide alimentaire… Alors, quand [Jordan] Bardella dit qu’il va baisser le montant de la taxe sur le carburant et même la supprimer sur des produits de première nécessité, bah oui, ça changera notre vie, et on vote pour. Et Macron ? Qu’est-ce qu’il a fait lui, pour baisser les prix ? Rien. Il n’a même pas bougé le petit doigt. Il n’en a rien à foutre des petites gens. Bardella, il n’est pas raciste. Il est nationaliste. Les Français pour la France, c’est tout à fait logique. Ceux qui veulent travailler, qui sont étrangers, ils ont tout à fait le droit d’être là. Je ne suis pas raciste, je m’en fous.

« On est très lucides là-dessus, on ne sera jamais riches »

Alex, je l’ai rencontré pendant le confinement. Je me faisais chier et je suis allée sur le site de rencontres Adopte un mec. La première fois qu’on s’est vus, je lui ai sauté dessus. On s’est retrouvés chez un pote et on a fait l’amour dans ses chiottes. Et on ne s’est plus jamais quittés. Lui, ça faisait dix ans qu’il était célibataire. Il n’avait juste pas le temps pour l’amour. Ses parents avaient une usine de porcelaine qui faisait des figurines trop marrantes du style maître Yoda ou Betty Boop. Il bossait quoi ? Soixante heures, soixante-dix heures, quatre-vingts heures par semaine ? Et pour finalement mettre la clé sous la porte. L’usine n’a pas fait faillite, mais ils ne gagnaient pas d’argent. Les charges sociales étaient trop lourdes, les clients ne le payaient pas, la concurrence étrangère était trop rude. Alors, à quoi bon se tuer à la tâche ?

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