Deux ans, déjà. Deux ans qu’elle traîne son corps meurtri et ses cauchemars. Deux ans que la douleur de l’absence les tourmente, elle et sa famille. Elif Ulupinar a perdu son petit frère de 8 ans, ce 6 février 2023, dans les décombres de leur immeuble et, avec lui, ses rêves de jeune femme. Ce jour-là, le séisme et ses innombrables répliques ont frappé 680 000 bâtiments dans le sud de la Turquie, et plus de 7 500 logements ont été entièrement anéantis rien que dans sa ville de Kahramanmaras.
Le sien portait le nom de Said-Bey. Il était moderne, avec deux blocs de huit étages, et réputé comme l’un des plus chers, des plus sûrs et des plus solides du quartier. A peine huit secondes ont suffi pour qu’il s’effondre sur lui-même, entraînant la mort de 44 personnes. Seuls 25 résidents ont survécu. Le bilan officiel – considéré comme sous-évalué – de ce que les autorités appellent aujourd’hui « la catastrophe du siècle » fait état de 54 000 morts et 120 000 blessés. Plus d’un quart des décès serait à dénombrer à Kahramanmaras et dans la région alentour.
Elif avait 18 ans. Ensevelie, les deux bras enserrés dans le béton, elle est extraite des décombres après quatre jours d’effroi. « J’ai eu de la chance, se remémore-t-elle. A l’hôpital, un docteur a refusé de m’amputer. » Après les opérations et la convalescence, elle est repartie avec sa famille vivre à Ankara, leur ville d’origine. Son père, militaire, a été réaffecté. Sa mère, elle aussi survivante de Said-Bey, passe le plus clair de son temps à ses côtés lorsqu’elle n’étudie pas. Son autre frère, Kadir, 24 ans, a pu rester dans la police. Seule son arme lui a été retirée après la catastrophe, en raison d’accès de colère incontrôlés.
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