Pour les atteindre, il faut se munir de bonnes chaussures de marche et de son esprit d’aventure. C’est ainsi équipés que deux amis sont partis à la recherche des « abrumes ». Cette contraction, formée à partir des mots « abri » et « brume » par Gauthier Delvert et Raphaël Guillemette, désigne les refuges, souvent situés au-dessus des nuages, qu’ils ont passé les deux dernières années à recenser.
Armés d’un mètre et d’un carnet, les jeunes architectes ont parcouru les chemins de France pour dénicher ces bicoques de fortune qui jalonnent le territoire, des Vosges aux Pyrénées. En résulte un premier inventaire millésimé, agrémenté de photos et de croquis. Une anatomie sensible de ces habitats autant que des paysages dans lesquels ils ont été érigés.
Burons, bories, capitelles et cabanes forestières… Naguère régulièrement fréquentés par les bergers et les bûcherons, les abrumes sont retournés à l’état quasi sauvage avec l’exode rural. Les nuances vernaculaires de leurs appellations témoignent toutefois d’un patrimoine riche et toujours vivant. « Chacun de ces refuges est porteur d’un récit qui dépasse sa vallée et trouve souvent écho dans l’histoire nationale », explique Gauthier Delvert. La démarche est donc d’abord mémorielle. Garder une trace de ces maisonnettes perdues dans la nature et dont l’entretien dépend de l’engouement des bénévoles locaux et des randonneurs de passage.
Des localisations non précisées
L’autre vocation du projet est d’offrir au lecteur, qu’il soit bâtisseur confirmé ou simple amateur de grands espaces, les modes d’emploi de logis résilients. Il s’agit de se concentrer sur l’existant et de le valoriser. « Nous avons voulu montrer comment on construisait hier, pour mieux construire demain », résume Raphaël Guillemette. En vulgarisant un langage assez technique, les deux architectes de 29 ans décortiquent le squelette de chaque refuge et mettent en avant les vertus de tel matériau ou les propriétés de tel emplacement.
A l’heure des dérèglements climatiques, quel meilleur moyen d’éviter d’habiter une passoire thermique qu’en s’inspirant du Volcan, cet abrume de granit partiellement enterré dans le flanc d’une montagne ? Quel bois utiliser pour fabriquer une table que l’humidité et le froid ne sauraient ronger une fois l’été passé ?
Comme les feuilles volantes d’un carnet de voyage, de brefs récits de route complètent cet ouvrage duquel émanent presque l’odeur de la gadoue et celle des matins frisquets. Et où, au détour d’une page, on pourrait tout à fait croiser le fameux Voyageur contemplant une mer de nuages que peignit Caspar David Friedrich. L’intérieur des bâtisses est lui aussi scruté et testé par le duo, qui en livre une description bien loin de celles que l’on trouverait sur le site d’une agence de location.
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