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La condamnation en première instance de Marine Le Pen, lundi 31 mars, dans l’affaire des assistants parlementaires du Rassemblement national est un coup de tonnerre dans la vie politique française. Trois fois candidate à l’élection présidentielle, la cheffe de file de l’extrême droite n’est plus assurée de pouvoir se représenter en 2027. Reconnue coupable d’avoir joué un rôle central dans le détournement des fonds versés par l’Union européenne au profit de son parti entre 2004 et 2016, elle a été condamnée à une peine de prison de quatre ans (dont deux avec sursis et deux sous bracelet électronique), assortie de cinq ans d’inéligibilité d’application immédiate.

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Ce n’est pas la première fois qu’une personnalité de premier plan voit sa trajectoire politique percutée par une décision de justice. Alain Juppé, en 2004, dans l’affaire des emplois fictifs de la Mairie de Paris, François Fillon, en 2017, dans celle de l’emploi fictif de son épouse, Penelope, pour laquelle le Parquet national financier avait simplement ouvert une enquête, ont connu la même mésaventure sans jamais réellement s’en remettre. A chaque épisode, la justice a été accusée d’en faire trop.

Cette fois, le tir, nourri par l’extrême droite et une partie de la droite, a été particulièrement intense. Relayé à l’étranger par le Kremlin, le premier ministre hongrois, Viktor Orban, et le président Donald Trump, il fait fi de l’importance du préjudice, évalué à plus de 4 millions d’euros. Lundi soir, sur TF1, Marine Le Pen, qui avait quitté le tribunal sans attendre le prononcé de la sentence, a mis en cause une « décision politique » visant à l’« empêcher d’être présidente de la République ». « L’Etat de droit a été totalement violé », s’est-elle indignée.

Peine banalisée

L’appel qu’elle a formé contredit cependant la violence de son discours : une voie de recours existe d’ici à l’élection présidentielle, qu’elle a décidé d’emprunter. Et, si la condamnation n’est pas infléchie, les électeurs du RN ne seront pas pour autant orphelins : Jordan Bardella jouit d’une popularité pratiquement équivalente à celle de Marine Le Pen.

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Le cœur de la polémique porte sur l’inéligibilité qui priverait l’électeur de sa liberté de vote. Les juges, pourtant, appliquent les lois votées. Autrefois peu fréquente, cette peine s’est banalisée depuis l’adoption de la loi Sapin 2 en 2016, qui en a fait la règle en matière d’incrimination pour détournement de fonds publics. Ce texte, élaboré au lendemain de l’affaire Cahuzac, a été voté à une très large majorité des élus, qui le réclamaient pour assainir la démocratie.

L’application de l’inéligibilité de façon immédiate, indépendamment d’une procédure d’appel, est plus exceptionnelle. La loi est récente, la jurisprudence fragile. Cette question pourrait être de nouveau portée devant le Conseil constitutionnel. La mesure a néanmoins déjà été appliquée à des élus condamnés pour détournements de fonds publics, comme l’ancien sénateur et président de la Polynésie française Gaston Flosse, ou l’ancien maire de Toulon, Hubert Falco.

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Le jugement qui vient d’être prononcé ne peut s’extraire d’un contexte général de durcissement des peines, sous la pression d’une demande politique de plus en plus insistante. Les élus d’extrême droite et de droite, qui ont fait de la sécurité leur cheval de bataille, sont les premiers à réclamer des sanctions plus lourdes et des exécutions de peine plus rapides. Ceux-là mêmes qui prônent l’impunité zéro à l’égard des délinquants s’insurgent lorsque l’un des leurs est concerné, comme si les politiques avaient vocation à rester au-dessus des lois. Or, l’Etat de droit consiste d’abord dans l’application de la loi, y compris lorsqu’elle concerne les politiques.

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Le Monde

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