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Histoires Web mercredi, novembre 6
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L’AVIS DU « MONDE » – À NE PAS MANQUER

La comédie carbure au calcul, elle est fille du nombre et des combinaisons. Ce n’est donc pas un hasard si le dernier long-métrage d’Emmanuel Mouret, peintre aimable des inconstances amoureuses, porte au fronton le chiffre 3, signe d’une structure ternaire et d’un rythme syncopé. Mais, justement, Trois amies relève-t-il encore d’une veine comique ? Il semble que, pour une fois (tout du moins depuis la tentative de mélo Une autre vie, en 2013), Mouret semble chercher une émotion plus profonde, une note plus grave. Ici, on aurait plutôt affaire à une sorte de « drame gai », comme le disait Jean Renoir à propos de La Règle du jeu (1939), voire à une suite musicale qui oscillerait sans cesse, par-delà les tonalités adverses, du majeur au mineur. De la ligne claire de ses précédents films, Mouret passe désormais à la ligne brisée, aux sentiments mêlés, de l’humeur badine à la cyclothymie.

Lire la rencontre : Article réservé à nos abonnés Avec Emmanuel Mouret, réalisateur de « Trois amies », l’art d’entrelacer gravité et cocasse

Nous sommes à Lyon. Joan (India Hair) et Alice (Camille Cottin) enseignent dans le même lycée. La première, tiraillée, souffre de ne plus vibrer pour son compagnon, Victor (Vincent Macaigne), professeur de français, et se sent tenue envers lui par une exigence d’honnêteté. La deuxième, elle, assume une conjugalité dépassionnée et professe de jouer la comédie à domicile pour se prémunir de trop violents orages amoureux. Quant à la troisième, Rebecca (Sara Forestier), professeure d’arts plastiques en recherche de poste, qui, en attendant, joue les gardiennes au musée, sort avec « M. X », un homme marié dont elle dissimule l’identité – et pour cause, puisqu’il s’agit du compagnon d’Alice (Grégoire Ludig). La mort subite de Victor dans un accident de voiture, qui laisse Joan inconsolable, va bientôt rebattre les cartes, amenant un nouveau venu au poste de professeur laissé vacant, un dénommé Thomas (Damien Bonnard), auteur à succès.

La mort fait ainsi son entrée, moins fracassante que feutrée, dans le cinéma d’Emmanuel Mouret, qui se prend à la filmer pour la première fois, et ce presque trente ans après ses débuts. Le récit s’énonce même de ce lieu impossible, puisque, ironiquement, la voix off n’est autre que celle du mort, qui nous sert de relais, suivant en cela le modèle canonique de Boulevard du crépuscule (1950), de Billy Wilder. Cette part funèbre ne sert pas, heureusement, de pendant « moral » à la frivolité de la ronde amoureuse : elle définit plutôt cette distance métaphorique qui permet de poser un regard tendre sur les personnages, tout en désignant le caractère périssable du désir, suspendu à des cycles d’extinction et de renaissance. A cela répond la pente automnale, tout en douceur, d’un film qui entraîne les personnages à travers demi-teintes cassées, jours déclinants et nuits profondes.

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