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Histoires Web lundi, juillet 8
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Issam Rachyq-Ahrad était loin d’imaginer dans quel contexte politique s’immiscerait son seul-en-scène Ma République et moi. Et bien loin de prévoir à quel point ce contexte donnerait à son monologue une ampleur inédite.

Alors que la France joue, dans les urnes, son avenir démocratique, cet artiste franco-marocain de 40 ans, comédien vif à la voix enjôleuse, glisse au cœur du Festival d’Avignon et, au-delà, du pays tout entier une petite musique qui fait entendre sa différence et sa pertinence. Le spectacle est modeste : moins d’une heure de représentation. Econome : il se déroule dans une chapelle minuscule devant une cinquantaine de personnes. Humble : aucun décor, sinon un fauteuil rouge et un transistor à cassettes. Enfin, il est biographique : Issam Rachyq-Ahrad parle de lui, et surtout de sa mère marocaine, arrivée en France à l’âge de 16 ans et heureuse d’y vivre : « J’ai été aspirée par le monde vert, c’est comme ça qu’on appelle l’Europe au Maroc. »

Il n’y a pas de misérabilisme dans cette évocation familiale d’une douceur constante, pas de revendication agressive qui opposerait les pays, les coutumes, les croyances. Le nerf du texte est l’amour réciproque d’une mère et de son fils. Un préalable qui permet au second d’approcher, avec délicatesse et sensibilité, deux cultures (française et marocaine) qui cohabitent plutôt bien, mais que le Rassemblement national cherche à entre-déchirer.

Femme voilée

La mère d’Issam est cuisinière dans un hôpital. Chez elle, elle n’écoute que Franceinfo, ou alors Dalida, dont elle est fan. Un jour, elle est venue chercher son fils à l’école avec un voile sur la tête. Issam avait 10 ans : « J’avais honte », se souvient-il. Alors l’acteur diffuse la captation vidéo d’un conseil régional en Bourgogne-Franche-Comté. Un élu d’extrême droite demande à une femme voilée de quitter l’enceinte : « C’est la République, ici », lui dit-il. Plus tard, cette femme recevra des messages anonymes sur Internet : « Sale pute. Va crever. Vive la France. Bougnoule, etc. » Il ne s’agit pas d’une fiction mais d’une réalité. L’affaire a eu lieu en octobre 2019. Il y a cinq ans.

Cinq ans plus tard, Issam Rachyq-Ahrad recevra-t-il, à son tour, des tombereaux d’insultes pour avoir parlé en arabe sur la scène du théâtre ? Cette question se pose aujourd’hui, même si l’artiste, dans son spectacle, ne se livre pas à une défense en règle de la culture musulmane, même s’il ne tranche pas le sujet de la laïcité, même s’il ne théorise pas sur le racisme. En fait, il fait mieux que plaider la cause de l’intégration. Il vient prouver dans une chapelle de pierres que cette intégration fonctionne. Son père était maçon, sa mère est cuisinière. Lui a fait une école nationale de théâtre. Il écrit, il joue, et il chante très bien Haendel. Mais lorsqu’il interroge le public : « Y a-t-il des Arabes dans la salle ? », la réponse fuse : non. Non, il n’y en a pas. Et ça, c’est un problème.

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