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Histoires Web samedi, juillet 27
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On ne mesure pas assez la valeur d’un parc devant une école. Les enfants sortent sans que leurs parents craignent de les voir traverser la route, lesquels s’attardent, sans être coincés contre une barrière. Les jours sans pluie, devant le groupe scolaire Stéphane-Hessel, à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, des mamans conversent sous les platanes, un nouveau-né dans les bras, un œil sur l’aîné, un peu plus loin. Des numéros s’échangent. A la prochaine grève, on se partage la journée ?

La manière dont un lieu, un quartier est organisé a une réelle influence sur les liens qui se nouent entre habitants. Ces relations constituent une ressource, un « capital social », qu’il est possible d’activer en cas de besoin ou de crise. Des chercheurs, qui ont travaillé sur la canicule de 1995 à Chicago, sur l’accident de Fukushima ou le Covid-19 à Montréal, ont montré qu’« en cas de catastrophe, les gens s’en sortent mieux lorsqu’ils disposent de liens et de réseaux sociaux adéquats ». Ce postulat posé – les liens sociaux comme facteur de résilience –, l’APUR, l’Atelier parisien d’urbanisme, a cherché à connaître la nature et l’intensité des relations sociales dans le Grand Paris.

Combien de proches les habitants de la métropole comptent-ils ? A quels cercles appartiennent-ils ? Existe-t-il des différences selon la nature du tissu urbain, l’âge ? Peut-on favoriser ces liens, sans les imposer ? Les réponses à ces questions, élaborées à partir de 2 500 questionnaires et une série d’entretiens, battent en brèche un certain nombre d’idées reçues et étaient présentées, jeudi 16 mai, lors d’un colloque à la Maison de l’architecture, à Paris.

Capital social

Premier enseignement : on n’est pas seul dans le Grand Paris. « Les habitants ont un réseau social relativement développé, même s’il existe des situations de vulnérabilité », détaille la démographe Emilie Moreau, directrice de l’étude. Quatre-vingt neuf pour cent des répondants citent au moins cinq proches à qui ils peuvent demander de l’aide. Un quart d’entre eux (23 %) estiment, tout de même, se sentir seuls ou très souvent seuls. Les jeunes (18-25 ans), même s’ils comptent plus de proches, souffrent plus de la solitude que leurs aînés. « Cet âge correspond à un moment de rupture », explique la chercheuse : on se retrouve loin de sa famille, de ses amis.

Deuxième leçon : les classes populaires ne sont pas celles qui voisinent le plus. L’étude confirme ce que d’autres travaux ont montré : les plus modestes ont un capital social plus faible. « Un ouvrier non qualifié sur cinq n’a aucune relation dans son espace de vie, cela tombe à 1 ou 2 % chez les cadres », détaille Joanie Cayouette-Remblière chargée de recherche à l’Institut national d’études démographiques et coautrice de l’enquête « Mon quartier, mes voisins », en 2018. « Quand on a des horaires irréguliers, qu’on cumule deux emplois, on rencontre moins les autres à la même heure, au même endroit », complète le sociologue Maxime Felder, intervenant au colloque, comme spécialiste des relations en milieu urbain. Par ailleurs, sortir, entretenir son réseau coûte cher. On rapporte des cadeaux de vacances, on reçoit. « Les plus jeunes renoncent à des sorties pour des raisons économiques », complète Emilie Moreau.

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