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Solidement campée sur ses jambes, les mains sur les hanches, s’exprimant d’une voix assurée, Aliona Saliouk, 47 ans, donne immédiatement l’impression d’une femme à poigne. Elle reçoit dans le jardin d’une modeste maison de village des environs de Pokrovsk, dans le Donbass. Autour règne une ambiance champêtre. Le silence n’est troublé que par le caquètement de poules venant d’une maison voisine.

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Ce pourrait être le décor typique de l’Ukraine rurale si Aliona n’était pas vêtue d’une tenue de camouflage, sanglée dans un gilet pare-balles garni de chargeurs pour fusil d’assaut. La maison d’apparence quelconque héberge depuis quelques mois une quinzaine d’hommes sous ses ordres. Cette ancienne agente immobilière, blonde, souriante et comme montée sur des ressorts, dirige l’unité sapeurs de la 59brigade. Dans l’armée ukrainienne, les sapeurs sont chargés du maniement des munitions ainsi que de la conception des tranchées et fortifications. Un rôle particulièrement crucial dans la phase actuelle du conflit, alors que la Russie jette toutes ses forces dans le grignotage du Donbass.

Aliona Saliouk, 47 ans, de son nom de guerre « Monka », sapeuse, à 20 kilomètres de la ligne de front, aux environs de Pokrovsk, dans le Donbass, en Ukraine, le 9 mai 2024.

L’impression de calme et de sécurité est trompeuse, observe-t-elle : « Nous sommes à 20 kilomètres du front, mais tout vole jusqu’ici. » Elle pointe du doigt la direction du Sud-Est. « Des roquettes, des missiles S-300, des drones… Les Russes nous envoient pratiquement chaque semaine des nouveautés qu’on passe du temps à analyser. Leurs sapeurs sont très expérimentés, inventifs, avec toujours un temps d’avance par rapport à nous. Il n’y aurait pas pire erreur que de les sous-estimer. » Elle refuse de détailler ses récentes découvertes, pour que l’ennemi n’en soit pas informé. A demi-mot, elle fait comprendre que la dernière tendance est d’utiliser des ballons pour transporter derrière les lignes ennemies des mines antipersonnel de plus en plus létales et difficiles à repérer.

De toute façon, le déminage n’est pas son truc. « Notre terre [ukrainienne] est minée à une densité inimaginable, mais je ne démine pas. Au contraire ! Il faut défendre notre sol aujourd’hui, donc il faut miner, piéger, démolir l’ennemi ! », explique-t-elle. Toute l’ingéniosité des sapeurs de la 59brigade est employée à la conception d’explosifs (mines, bombes, grenades) plus puissants, précis et efficaces, acheminés par des drones aériens ou terrestres, sur ou derrière les lignes ennemies.

« Il faut résister, un point c’est tout »

Son équipe n’est pas débordée par un afflux d’armes et de technologie occidentales. Tant s’en faut. Le maître mot est la débrouillardise. « Nous fabriquons des explosifs avec des boîtes de conserve, raconte “Monka”, pince-sans-rire. Avons-nous le choix ? Il faut résister, un point c’est tout. » La mission consiste aussi à bien aménager les positions défensives, les tranchées, les casemates, en disposant astucieusement les positions de tir pour chaque type d’arme : mitrailleuse lourde, lance-grenades, etc. Les sapeurs inspectent chaque position pour dispenser des conseils. « Le plus dur pour nous a été de changer de milieu, passer du milieu rural au milieu urbain durant la défense [de la ville] d’Avdiïvka. Mes hommes ont eu du mal mentalement et physiquement à s’adapter aux caves. Chaque type de terrain oblige à tout repenser », confie-t-elle.

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