Déjà la troisième alerte en deux heures. Une voix grésillante et automatisée résonne dans les couloirs et les bureaux aux fenêtres obstruées. « Alerte à la KAB », confirme un pompier. Les KAB, ces bombes planantes guidées lancées depuis des avions russes et chargées de centaines de kilos d’explosifs, peuvent détruire un bâtiment entier. Leur menace est prise au sérieux par les hommes de la caserne, qui grommellent et éteignent leur cigarette, avant de descendre au sous-sol. Certains somnolent déjà. D’autres discutent, assis ou accoudés aux lits superposés. Ce samedi 14 juin est une journée de travail ordinaire pour les pompiers de Kostiantynivka, ville du Donbass sur laquelle les Russes intensifient leurs assauts depuis quelques semaines, afin de former une pince par le nord, l’est et le sud. Le front n’est plus qu’à une dizaine de kilomètres.
Difficile, pour ces pompiers, de dire précisément quand la situation s’est aggravée. Avant d’être basés là, une grande partie d’entre eux travaillaient dans des villes désormais occupées par la Fédération de Russie, comme Bakhmout, à une vingtaine de kilomètres à vol d’oiseau, tombée après une longue et sanglante bataille, au printemps 2023.
Le chien au poil ras et sale qui s’ébat entre les jambes des uns et des autres fait d’ailleurs partie des évacués de la caserne de Bakhmout, s’amuse Roman Gontcha, la cinquantaine, solide gaillard aux yeux tristes. Lui-même travaillait jusque-là dans une autre cité du Donbass. Il n’en précise pas le nom, se contente de glisser qu’il y « flotte aujourd’hui un autre drapeau ».
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