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La peinture délavée aux murs, le parquet qui craque et l’odeur de renfermé : la vaste salle de spectacle du social welfare center (le centre social) d’Easington, dans le comté de Durham (nord-est de l’Angleterre), semble tout droit sortie des années 1960, l’âge d’or de cette ville côtière, avant que la mine de charbon à côté de laquelle elle a été construite (sa raison d’être, son premier employeur), ne ferme définitivement en 1993, mettant 1 500 hommes au chômage.

Le welfare center était le cœur battant des villes minières, là où les familles se retrouvaient pour se distraire ou dans les grandes occasions. Mais leur identité collective, construite par l’expérience commune du danger sous terre et la fierté d’appartenir à l’élite de la classe ouvrière britannique, s’est en grande partie évanouie. Comme les autres ouvriers restés à Easington après la disparition de la colliery (la mine de charbon), Steve Fergus, 66 ans, le directeur du centre social, se sent abandonné. En cette mi-juin, à trois semaines des élections générales britanniques du 4 juillet, alors que le Labour fait la course en tête et que les conservateurs, au pouvoir depuis quatorze ans, s’enfoncent dans les sondages, il n’attend plus grand-chose des politiques.

« A côté du centre social, nous avions des terrains de tennis, de cricket, de foot. Tout a disparu. La situation de la ville est choquante : on manque de services publics, d’aides sociales, d’écoles de qualité. Nous avons désespérément besoin d’emplois », insiste Steve Fergus, qui a travaillé seize ans dans la mine, jusqu’à sa fermeture. Il a été traumatisé par la grande grève de 1984 et 1985, à laquelle il a participé, ayant été emprisonné six mois au motif qu’il aurait frappé un policier. « J’ai été innocenté mais j’étais encore considéré comme un agitateur politique, les employeurs ne voulaient pas de moi », explique-t-il. Ils furent des milliers de grévistes comme lui dans le pays, cibles de la répression du gouvernement de Margaret Thatcher, qui avait déclaré la guerre aux syndicats.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Margaret Thatcher : 1984-1985, la grève des mineurs qui a changé le Royaume-Uni

Steve Fergus, 66 ans, ancien mineur de charbon, administrateur du Easington Social Welfare Centre, le 11 juin 2024.
Une affiche du syndicat national des mineurs, section d'Easington, à l'intérieur du Easington Social Welfare Centre, le 11 juin 2024. Une affiche du syndicat national des mineurs, section d'Easington, à l'intérieur du Easington Social Welfare Centre, le 11 juin 2024.

Après ce mouvement social historique, les mines ont toutes fermé et 200 000 mineurs ont perdu leur emploi entre Durham, le Yorkshire et le Pays de Galles. Ces territoires n’ont depuis pas reçu l’attention ni les fonds dont ils avaient besoin pour se reconvertir et restent parmi les plus pauvres du pays : la pauvreté infantile atteint 34 % dans le comté de Durham, l’espérance de vie des hommes, 77,2 ans, est inférieure de 3 ans à celle du sud-est du pays. Lors du référendum de 2016, les habitants du comté de Durham ont voté à 58 % pour le Brexit, puis un bon nombre d’entre eux ont plébiscité Boris Johnson et ses promesses mirobolantes d’investissements en faveur du Nord. Si la circonscription d’Easington est restée Labour aux élections générales de 2019, celles de Darlington, dans le sud du comté, ou de Bishop Auckland, dans l’ouest, ont viré tory.

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