Tout un symbole. La Bourse de Chicago, vénérable institution fondée en 1882, aujourd’hui filiale de la New York Stock Exchange, va déménager pour Dallas, au Texas, a-t-elle annoncé mercredi 12 février. Motif : le Texas est la nouvelle « place to be » (« l’endroit où il faut être ») des affaires. Depuis dix ans, plus de 300 entreprises y ont transféré leurs sièges, dont Chevron, Oracle, Toyota Motor, Hewlett-Packard Enterprise et Tesla, l’entreprise d’Elon Musk. « Nous allons devenir la capitale financière de l’Amérique », vante Greg Abbott, le gouverneur du Texas.
Les fleurons de la Silicon Valley faisant leurs valises pour the Lone Star State (« l’Etat de l’étoile solitaire ») évoquent l’abondance de la main-d’œuvre qualifiée à Austin ou Dallas, l’immobilier moins cher, mais aussi – et surtout – la faible fiscalité pour les entreprises, doublée d’un environnement réglementaire ultraléger. Il y est ainsi interdit d’imposer les revenus des individus – le Texas l’a même gravé dans sa Constitution.
Cet Etat incarne le rêve de Donald Trump et des anarcho-capitalistes qui l’entourent, tels que Peter Thiel, le milliardaire cofondateur de PayPal, Elon Musk et les autres oligarques de la tech. A savoir, un territoire où l’on s’affranchit des lois, des taxes, des réglementations environnementales, du code de la construction et du droit du travail. Un éden du business où tout est transaction.
A y regarder de près, de tels espaces sont déjà nombreux. L’historien canadien Quinn Slobodian les décrit dans son ouvrage Le Capitalisme de l’apocalypse ou le rêve d’un monde sans démocratie (Seuil, 368 pages, 25,50 euros). Depuis cinquante ans, ils se multiplient partout sur la planète. Il s’agit du Hongkong des années 1980, île probusiness dirigée par de puissants conglomérats familiaux, de Dubaï, du Liechtenstein et des autres paradis fiscaux. Il s’agit des ports francs et « zones économiques spéciales » en Pologne, en Chine, en Inde, où l’on déroule un tapis rouge aux investisseurs à coups de taxes allégés, de facilités diverses et de fiscalité anecdotique.
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