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Histoires Web mercredi, octobre 23
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En France, les « balances » n’ont pas bonne presse, même si c’est pour la bonne cause. Voilà vingt ans, le Parlement votait le statut du « repenti », décrit comme une avancée majeure dans la lutte contre le crime organisé. Pourtant, l’ambition portée par la naissance de ce nouvel acteur judiciaire, qui a montré son utilité en Italie ou aux Etats-Unis, est restée lettre morte auprès des autorités et de l’opinion publique, comme du pouvoir politique. Après une longue errance institutionnelle, le repenti pensait enfin trouver sa place et prouver son utilité grâce à un nouveau texte de loi qui devait être présenté à l’automne. La dissolution de l’Assemblée nationale fin juin et la vacance gouvernementale en auront décidé autrement.

C’est l’histoire d’un long rendez-vous manqué. Tout d’abord, preuve d’un désintérêt coupable, la Commission nationale de protection et de réinsertion (CNPR), dite « des repentis », née de la loi Perben II, en 2004, a dû attendre 2014 avant d’entrer en vigueur, faute de décret et de financement. Aujourd’hui dotée d’un budget annuel de 780 000 euros, la CNPR ne protégeait, au 1er janvier, que 42 personnes, repentis et proches inclus, les trois quart liés au trafic de stupéfiants. Le programme italien recense un millier de repentis, sans compter les familles. Cet atout devait rééquilibrer le jeu judiciaire face à un phénomène mafieux sophistiqué. Un vœu pieux.

L’autre péché originel de ce dispositif tient à l’écriture même de la loi sur le repenti qui devait, en théorie, offrir un accès inédit au cœur du crime organisé. Le législateur a pourtant choisi, en 2004, pour des raisons morales, d’interdire ce programme aux personnes poursuivies pour des crimes de sang. La parole du repenti n’était pas évaluée sur le seul critère d’efficacité mais sur son degré de proximité avec le mal. Marc Sommerer, l’actuel président de la CNPR, regrettait, de plus, devant le Sénat, le 12 février, la complexité d’un système qui conduit à des situations incohérentes.

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Pour son prédécesseur, Bruno Sturlèse, président de la CNPR de 2017 à 2023, cela révèle le « manque de pragmatisme d’une vision très catholique de la culpabilité ». Selon lui, « le législateur s’est contenté de traiter l’aspect symbolique du repenti en structurant son projet sur l’idée qu’il se faisait, alors, du niveau d’acceptabilité sociale d’une négociation avec un criminel et sur son degré de repentir ». Résultat, faute de pouvoir, par la loi, bénéficier des confessions d’un repenti poursuivi pour crime de sang, les magistrats doivent contourner cette interdiction en ouvrant des procédures parallèles dans lesquelles ils les poursuivent pour de simples infractions qui, elles, rendent éligible au statut de repenti. Une pirouette contraire aux règles du contradictoire et qui fragilise le dossier.

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